De gauche à droite, Jeff Bezos (Amazon), Larry Page (Alphabet), Sheryl Sandberg (Facebook), Mike Pence (futur vice-président des Etats-Unis), Donald Trump, Peter Thiel (PayPal), Tim Cook (Apple) et Safra Catz (Oracle), à la Trump Tower, à New York, mercredi 14 décembre. | TIMOTHY A. CLARY / AFP

Ce sont des images qui en disent long. Aux côtés de Donald Trump, Tim Cook, Jeff Bezos et Larry Page affichent le visage des mauvais jours. Les patrons respectifs d’Apple, Amazon et Alphabet, la maison mère de Google, n’ont visiblement pas apprécié la mise en scène orchestrée par le futur président des Etats-Unis, qui recevait, mercredi 14 décembre, les principaux responsables du high-tech américain.

A New York, les treize dirigeants invités, représentant onze entreprises, ont dû affronter les caméras une première fois en arrivant dans le hall de la Trump Tower. Puis, une deuxième fois, assis autour d’une table, permettant à M. Trump de s’afficher tout sourire auprès de ceux qui avaient dénigré sa campagne et ses propositions. Ils sont repartis, deux heures plus tard, sans dire un mot.

Officiellement, cette rencontre avait pour but de renouer le contact entre la future administration et la Silicon Valley, notamment pour évoquer la question de l’emploi. Satya Nadella (Microsoft), Elon Musk (Tesla et SpaceX) et Virginia Rometty (IBM) étaient également présents. Seuls absents de marque : Mark Zuckerberg, représenté par Sheryl Sandberg, la directrice opérationnelle de Facebook, et Jack Dorsey, le directeur général de Twitter, qui n’avait pas été invité.

« Nous serons vraiment là pour vous »

« Je suis là pour vous aider à réussir », a assuré M. Trump, au cours d’une rapide intervention publique. « Nous serons vraiment là pour vous, a-t-il poursuivi. Vous pouvez appeler mon équipe ou m’appeler directement. » Ce discours tranche avec les diverses tensions qui ont émaillé la campagne électorale. Mécontent des articles publiés par le Washington Post, propriété de M. Bezos, le candidat républicain avait notamment menacé de s’attaquer à Amazon. Il avait aussi appelé au boycott d’Apple et assuré qu’il pousserait le groupe à la pomme à fabriquer ses iPhone aux Etats-Unis.

Dans son ensemble, la Silicon Valley avait pris position pour Hillary Clinton. La candidate démocrate avait reçu le soutien public de nombreuses personnalités du high-tech américain, comme Eric Schmidt, le président de Google, Reed Hastings, le patron de Netflix et Marc Benioff, le directeur général de Salesforce. M. Zuckerberg avait aussi clairement affiché ses convictions, s’inquiétant des personnes qui veulent « construire des murs » et « diviser les peuples ».

Depuis l’élection du 8 novembre, ces grandes sociétés jouent la carte de l’apaisement. Elles évitent ainsi systématiquement le sujet. Mercredi, seuls M. Bezos et une porte-parole de Cisco ont souhaité s’exprimer, évoquant une rencontre « productive ». La priorité est désormais de s’adapter à la nouvelle donne politique, après avoir bénéficié, pendant huit ans, d’une relation privilégiée avec l’administration de Barack Obama.

Des « centaines de coups de téléphone »

Alphabet a ainsi commencé à recruter des lobbyistes proches du Parti républicain. Mercredi 14 décembre, M. Musk et Travis Kalanick, le fondateur et patron d’Uber, ont accepté d’intégrer le « forum stratégique » chargé de conseiller M. Trump sur sa politique économique. Et Mme Rometty a laissé entrevoir la création de 25 000 emplois aux Etats-Unis au cours des quatre prochaines années.

Ces derniers jours, la participation des dirigeants du high-tech à cette rencontre a suscité un vif débat. M. Trump a d’ailleurs reconnu que des « centaines de coups de téléphone » avaient été nécessaires pour les convaincre. « Ils sont utilisés pour donner une légitimité à un fasciste », s’est emporté l’investisseur Chris Sacca, interrogé par le site spécialisé Recode. Les plus optimistes estiment que les promesses de campagne du futur président ne se matérialiseront pas.

Plusieurs sujets inquiètent, comme les quotas et les conditions d’obtention des visas H1B, utilisés en masse dans la Silicon Valley pour embaucher des ingénieurs étrangers. Ces sociétés craignent aussi une mise en cause de la neutralité du Net, qui prévoit une égalité de traitement entre les acteurs du Web. Et aussi de nouvelles contraintes en matière de chiffrement des données, qui pourraient pénaliser leur activité en dehors des Etats-Unis.