Christophe Barrailh devait recevoir, lundi 12 décembre, 1 500 canards prêts à être gavés sur son exploitation à Aire-sur-l’Adour dans les Landes. Mais ses salles de gavage sont restées vides. La présence du virus de grippe aviaire dans un élevage situé à Ségos, à la limite entre le Gers et Les Landes, à 8 km à vol d’oiseau de sa ferme, a été suspectée en fin de semaine dernière. Le cas a été confirmé et le cheptel abattu.

Ce foyer d’influenza aviaire s’ajoute à la liste des cas déjà répertoriés par le ministère de l’agriculture. Depuis la première apparition du virus hautement pathogène H5N8, le 1er décembre dans un élevage de 5 000 canards à Almayrac (Tarn), l’épizootie ne cesse de s’étendre. On dénombre désormais 25 foyers répartis dans sept départements du Sud-Ouest de la France, élevages de poulets et de canards réunis.

A chaque fois, le cheptel est abattu. Soit à ce jour, plus de 140 000 volailles. Et des périmètres réglementés de 3 km et de 10 km sont décrétés autour de chaque ferme contaminée pour éviter la dissémination du virus. Dans ces zones, tout déplacement d’animaux vivants est interdit. D’où le couperet qui est tombé sur l’exploitation de M. Barailh, président du Comité interprofessionnel du foie gras (Cifog), privé de canards à gaver.

Nouveau coup dur

Un nouveau coup dur pour la filière foie gras frappée par cette épizootie de grippe aviaire, juste avant les fêtes de fin d’année, période commerciale stratégique. Et ce, pour la deuxième année consécutive. Même si, comme l’a tout de suite souligné le ministère, le virus n’est pas le même que celui apparu fin 2015. Transporté cette fois par la faune sauvage, il reste non transmissible à l’homme et ne compromet pas la qualité sanitaire des volailles et des foies gras. « La crainte que nous avons, c’est pour nos animaux », résume M. Barrailh. Le virus H5N8 induit une forte mortalité des cheptels touchés.

Dans ce contexte, les entreprises et les grandes coopératives cherchent à faire tourner la machine. Elles se sont réunies, jeudi 15 décembre, pour faire front commun. « Nous avons défini des modalités de mouvements d’animaux dans les zones réglementées et obtenu des dérogations pour pouvoir abattre les volailles », explique M. Barrailh. En clair, l’abattoir le plus proche prendra en charge les animaux, même si l’éleveur n’est pas affilié à celui-ci. Les entreprises vont mutualiser leurs moyens pour limiter les déplacements.

Reste qu’il n’y a pas de front uni dans la filière foie gras du Sud-Ouest. Le clivage entre élevage industriel et élevage fermier s’est renforcé avec la crise sanitaire. Depuis le premier épisode de grippe aviaire, de nouvelles règles de biosécurité s’appliquent dans les élevages. Un temps, les tenants du foie gras à la ferme ont cru que leur modèle allait être éradiqué. Il n’en est rien, mais de nouvelles contraintes pèsent sur eux.

Les élevages industriels mis en cause

« Mon exploitation s’étend sur un hectare, mais je dois changer dix fois de bottes lorsque je me déplace entre les zones d’élevage, de gavage ou d’abattage », raconte Pierre Dufour, qui élève, gave, abat et fabrique ses conserves dans sa ferme à Saint-Cirq-Lapopie (Lot). Soit un total de 800 canards par an. « Moi je suis pour le dépistage systématique du virus dans les exploitations », ajoute-t-il. Les petits producteurs estiment que travaillant en autarcie, ils ne sont pas facteurs de dissémination, alors que les transports d’animaux sont multiples dans l’élevage industriel.

La Confédération paysanne, syndicat agricole a même publié un communiqué affirmant que l’élevage industriel était « coupable » de cette nouvelle propagation du virus. Elle met en cause la coopérative Vivadour, qui a transporté des animaux d’un élevage touché du Tarn vers d’autres départements.

Les coopératives et les entreprises du foie gras subissent dans leurs comptes le choc de la grippe aviaire et du vide sanitaire décrété pendant quatre mois. La coopérative Maïsadour, qui possède la marque Delpeyrat, a vu ses comptes virer dans le rouge avec une perte de 20 millions d’euros sur l’exercice 2015-2016 et un chiffre d’affaires en recul de 7,6 % à 1,46 milliard d’euros. Sur la même période, le chiffre d’affaires d’Euralis (Montfort, Rougié) a baissé de 4,5 % à 1,43 milliard d’euros. Quant au patron de Labeyrie, secouée par la crise combinée du foie gras et du saumon, il a été remercié.