Mercredi 7 décembre, une enseignante du lycée professionnel Maurice-Utrillo de Stains (Seine-Saint-Denis) postait sur son compte Facebook un témoignage détaillant une visite qui s’était déroulée le matin même au Musée d’Orsay avec une classe de 1re. Un long texte à charge contre le personnel du musée qui a depuis été largement relayé par les internautes et les médias.

Selon l’enseignante, tout a commencé lorsqu’elle « voi[t] un surveillant de salle crier à [s]es élèves “Fermez vos gueules” en boucle, sans aucune raison ». Elle affirme être intervenue calmement, mais s’être fait à son tour « hurler dessus ». L’agent aurait par ailleurs tenu des propos désobligeants à son égard – « C’est quoi ces vêtements ? », « On ne sait même pas si c’est un homme ou une femme ». Il aurait même « bousculé » la seconde enseignante encadrant la sortie scolaire.

Prise à partie par plusieurs surveillants attirés par les cris de leur collègue, la classe est alors invitée à « partir » :« Les élèves sont juste bouches bées (…), ils ne comprennent rien, moi non plus », relate la professeure, qui poursuit la visite. Alors qu’un nouvel agent « tente d’apaiser la situation », la classe s’engage « à ne plus faire aucun bruit ».

Pour calmer ses élèves, qu’elle décrit à ce moment-là comme « des boules de nerfs », l’enseignante leur propose alors « de se promener en autonomie » :« Cinq minutes plus tard, ils reviennent (…) en disant qu’on ne les laisse pas tranquilles, que dès qu’ils entrent dans une salle ils sont suivis, engueulés pour… leur présence. » Ils finissent par renoncer : « La conclusion de mes élèves : première et dernière fois dans un musée, pour certains première et dernière fois à Paris. »

Et de fustiger au passage « ces musées publics soi-disant en politique d’ouverture aux classes de ZEP ». Elle affirme que d’autres élèves, « majoritairement blancs, bourges, parisiens », faisaient du bruit à Orsay sans subir le même sort que sa classe.

« Assaillis d’insultes »

Face à ces accusations de discrimination, le musée a réagi par voie de communiqué deux jours après la visite, pour affirmer que c’est le « comportement bruyant » du groupe qui serait à l’origine de l’altercation, et souligner le fait qu’il accueille « plus de 150 000 élèves chaque année, de tous horizons ».

Le syndicat CGT-Musées Orsay-Orangerie a dans la foulée apporté son soutien aux équipes de « l’accueil, du standard téléphonique et de la communication Web (…), assaillis d’insultes ».

Le ministère de la culture a pris la situation au sérieux et a annoncé, mercredi 14 décembre, que le directeur général des patrimoines, qui exerce la tutelle du Musée d’Orsay, avait rencontré la veille la direction du musée « pour faire un point sur l’incident », à la demande d’Audrey Azoulay. Avec pour objectif de remettre à la ministre, début janvier, « un rapport décrivant les enseignements à tirer de cet incident ». Le ministère a par ailleurs exigé du musée « qu’une analyse des modalités de préparation des visites de groupes scolaires soit établie ».

Dans ce contexte tendu, le musée s’exprime avec précaution et a accepté de répondre à nos questions seulement par écrit. Concernant sa version des faits, il explique plus en détail : « Un groupe d’élèves bruyants s’est vu demander de faire moins de bruit de la part d’agents d’accueil et de surveillance. (…) Ces remarques, dont rien ne laisse à penser selon nos informations qu’elles auraient été formulées de manière impolie ou excessive, ont été mal prises par certains élèves, qui ont répliqué ­assez vertement. »

« Ouvrir un ­dialogue constructif  »

Le musée précise que l’« un des agents impliqués s’est dit choqué par cette altercation et les insultes qu’il a reçues, et est depuis en congé maladie ».

La communication du musée dit ne pas savoir dans quelle mesure cette visite libre a été préparée, mais que le Musée d’Orsay « entretient des relations privilégiées avec l’académie de Créteil » (dont dépend Stains), dont elle forme chaque année des enseignants sur ses collections ou expositions (534 cette année). Elle souligne que les responsables pédagogiques « sont navrés de voir leurs efforts remis en cause par cette polémique » et « rappellent l’intérêt des visites accompagnées », gratuites pour les groupes scolaires.

Le musée précise que le partenariat avec le lycée Maurice-Utrillo remonte à 1993, et que sept visites ont été organisées par l’établissement cette année. La dernière en date a eu lieu après l’incident, le 15 décembre.

Le musée souhaite pouvoir organiser une rencontre avec les enseignantes et la classe de 1re en question en janvier 2017, « dans un climat apaisé, pour entendre le ressenti des élèves et ouvrir un ­dialogue constructif ».