Mathieu Persan

Le rond de serviette et le bol à oreilles ont fait des petits. Ce Noël, on peut apposer son prénom, ou celui d’un proche, sur à peu près n’importe quel objet – y compris dans les rayons des supermarchés. Des galettes bretonnes aux bouteilles d’eau minérale, en passant par les bonbons, les chaussures ou encore la lessive, tout se « personnalise ».

Dans le pop-up store Dove, à deux pas de la gare Saint-Lazare, une cliente fait graver « Léa aime lapinou » et « Pauline » sur deux ­savons joliment empaquetés. Pour 6 euros, les clients peuvent faire ­imprimer un message sur l’emblématique pain de toilette, numéro un des ventes en France. Ils ont aussi la possibilité de concevoir un lait, une crème ou un gommage adapté à leur peau, d’en choisir le parfum, la texture et de personnaliser le contenant, pot ou flacon, pour 20 euros au plus cher. Ce magasin éphémère – il devait fermer le 18 décembre – est une première mondiale pour l’une des marques de l’américain Unilever, dont le slogan « chaque beauté est unique » s’accorde presque ­ « logiquement », selon Cécile Bernini, sa responsable, avec une offre de soins personnalisables.

On ­désire les mêmes biens

Mais d’où vient ce besoin de mettre son nom sur un mug ou de coller la tête de Médor sur son tee-shirt ? « Face à l’uniformisation des modes et des tendances, le consommateur veut se singulariser tout en cherchant à appartenir à un groupe », explique Bruno Cracco, associé chez Bengs Lab, un cabinet de conseil en stratégie et innovation. On ­désire les mêmes biens, mais notre premier réflexe est de changer le fond d’écran de notre ordinateur, de choisir une sonnerie ou une coque pour notre smartphone. « En y ajoutant une touche personnelle, un produit standard devient différent des autres, plus proche de nous, de notre image ou de celle que l’on souhaite renvoyer », poursuit-il.

« Famille, amis, chiens et chats, et, bien sûr, soi-même : il y a une hyperprésence de soi et de son clan dans les choix de personnalisation », confirme David Schwartz, directeur du développement chez Carrefour. L’enseigne a été la première, dans le secteur de la grande distribution, un univers pourtant synonyme de standardisation, à s’intéresser à la customisation. Carrefour a ouvert en 2016 des espaces « My design » dans vingt-cinq de ses hypers. Dans ces mini-boutiques d’une trentaine de mètres carrés à l’intérieur des magasins, les clients font imprimer, broder ou graver objets de décoration (coussin, vaisselle ou petit mobilier…), prêt-à-porter ou accessoires (coques de téléphone, papeterie, sacs…) vendus dans le magasin ou même achetés ailleurs. « C’est comme une mini-usine en magasin, l’article est customisé sur place pour moins de 10 euros et en dix minutes, précise David Schwartz. Les gens adorent, ils se sentent un peu créateurs. » D’autres enseignes, comme ­Leclerc ou Hyper U, s’y intéressent aussi.

Talons de chaussures sur mesure

Depuis novembre, la marque américaine Schott, à laquelle on doit le blouson Perfecto, propose à l’amateur de bomber, un autre de ses modèles mythiques, de l’adapter à son goût. Sur le site, l’internaute peut piocher parmi les vingt coloris disponibles, y ajouter un texte choisi parmi les cinq polices de couleurs différentes ou une image. Coût du service : 75 euros à ajouter au prix du blouson (175 euros). PDG de Schott Europe, Bruno Dauman se félicite du bon démarrage de cette ­option. « Pour être sûr de ne pas se retrouver à cinquante avec le même bomber, les clients n’hésitent pas à se lancer dans une belle diversité de couleurs ou à faire imprimer leur propre dessin. Ils y voient un moyen d’exprimer leur personnalité. » Les « mint », « rose pastel » et autre « gris tourterelle » enchanteraient les férus d’originalité. Reproduction de ­tatouages, animaux ou paysages ornent dos ou poitrines.

Grâce aux nouvelles technologies de marquage, de broderie ou de gravure, tout est possible, ou presque. En moins de soixante minutes, le spécialiste de la chaussure Eram permettra à ses clients, en 2017, de créer leurs propres talons sur mesure et sous leurs yeux grâce à ­l’impression 3D. A partir d’un modèle de bottines de base, la cliente pourra choisir la largeur, la couleur mais aussi le motif du talon. La combinaison des éléments permettra de sortir 600 modèles différents. « Chacun peut se faire plaisir en inventant sa propre mode, explique Renaud Montin, le directeur marketing et digital d’Eram. Le résultat est quasi immédiat et réversible, car l’offre se combinera avec un set de talons de couleur neutre. »

Parfum gravé

Rachel est l’une de ces adeptes du sur-mesure de masse. Pour ses cadeaux de Noël, elle a déjà repéré les marques qui proposent un ­petit plus. Pour sa sœur, ce sera du linge avec une jolie broderie ; pour son mari, un flacon de parfum gravé d’une petite phrase. « Si je ne trouve pas un moyen de personnaliser un cadeau, je glisse au moins un petit mot, c’est plus sympathique, explique la quadragénaire. Cela rajoute de la ­valeur à ce que l’on offre. Pour moi, rien de pire que la carte cadeau. »

Souvent vue comme un présent facile et passe-partout, cette dernière est pourtant aussi touchée par la mode du clin d’œil intime. Ainsi, Decathlon propose de l’enrichir d’un texte, d’une photo ou même d’une petite vidéo. Au moins, sous le sapin, vous ne pourrez pas vous tromper de cadeau.