Sur les lieux de l’attentat à Berlin, le 19 décembre. | © Pawel Kopczynski / Reuters / REUTERS

Editorial du « Monde ». A la « une » de la presse, ce mardi 20 décembre, deux attentats commis la veille, répercutés presque en direct par les réseaux sociaux, et qu’il faudra analyser, chacun dans sa singularité, avant de tirer des conclusions définitives. Mais, enfin, à Berlin comme à Ankara, le sentiment qui domine est celui d’une tragédie sans cesse recommencée, celle d’une forme de terrorisme dont on ne voit pas la fin et que l’on relie, à tort ou à raison, à ces guerres du « Grand Moyen-Orient », comme disent les Américains, celles d’Afghanistan, de Syrie et d’Irak, qui, elles aussi, semblent ne jamais devoir se terminer.

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C’est dans ce « trou noir » d’une violence entretenue par l’islam radical – des talibans à l’Etat islamique en passant par Al-Qaida –, portée par un discours de haine à l’égard des juifs, des chrétiens, des Occidentaux, lequel est véhiculé à plaisir sur Internet, que l’on cherche, faute de mieux, une « explication » à la répétition de ces attaques terroristes – à Paris, à Nice, à Berlin, etc. L’ampleur des destructions et des drames humanitaires liés aux batailles d’Irak et de Syrie est encore accentuée par l’impuissance complice de la « communauté internationale ». On sait, hélas !, que cette entité n’existe pas et que l’ONU n’est que le champ clos des affrontements entre les Grands.

L’apaisement ne viendra pas de sitôt

Faut-il relier les événements de Berlin, lundi soir, à cette toile de fond proche-orientale ? Le ministre allemand de l’intérieur, Thomas de Maizière, a parlé d’un « probable attentat terroriste ». Un jeune homme s’est emparé d’un camion, dont le chauffeur a vraisemblablement été tué juste avant, pour foncer sur un marché de Noël en plein cœur de la ville. Il a « intentionnellement visé » une foule de passants comptant de nombreux enfants. Douze personnes ont été tuées, une cinquantaine d’autres blessées, avant que le 40 tonnes ne soit arrêté par un bloc de ciment. L’homme soupçonné d’avoir pris le volant a été arrêté. Il serait Afghan.

Quelques heures plus tôt, en Turquie, l’ambassadeur de Russie, Andreï Karlov, était assassiné alors qu’il inaugurait une exposition d’art à Ankara. Un policier turc en civil s’est approché de lui, a tiré plusieurs balles sur le diplomate, avant de hurler des slogans où il était question de venger les bombardements sur la ville syrienne d’Alep.

L’Europe le sait trop bien : elle est perméable aux secousses venues des séismes qui ravagent son voisin proche-oriental. Elle sait que l’apaisement ne viendra pas de sitôt : le Proche-Orient est en fusion pour une génération. L’Union européenne (UE) doit continuer à renforcer la protection de ses frontières extérieures, si elle entend préserver la libre circulation à l’intérieur. L’UE s’attache depuis un an à se doter d’un corps de garde-frontières dignes de ce nom et à imaginer, enfin, une approche communautaire face aux grands flux migratoires de l’époque.

Quoi qu’en disent les formations d’extrême droite, en Allemagne et en France, qui, cherchant à exploiter la violence islamiste, veulent démolir l’UE, même les plus réticents des Vingt-Huit en conviennent : le repli national est illusoire, un dangereux fantasme ; la lutte contre le terrorisme islamiste passe par une coopération renforcée entre Etats membres – et pas par un démembrement de l’Europe. C’est dans ces moments-là qu’il ne faut pas laisser le terrain à ceux qui vantent des solutions simplistes pour séduire une opinion meurtrie et désorientée. Ceux-là sont des vautours.