La 22e conférence des Nations Unies sur le climat organisée à Marrakech en novembre 2016 a réaffirmé le rôle des mécanismes de marché pour financer la transition vers une économie sobre en carbone. Ces mécanismes mis en place par le protocole de Kyoto permettent de financer tout ou partie de projets par la vente des crédits carbones obtenus à l’issue d’un processus de certification complexe.

Un entrepreneur africain ayant investi, par exemple, dans une activité de production et de distribution de fours de cuisson économes en énergie a la possibilité d’enregistrer son activité auprès d’un organisme comme le Gold Standard. Ce faisant, il peut espérer recevoir des crédits carbones correspondant aux réductions d’émissions de gaz à effet de serre réalisées. Plus de 200 milliards de dollars ont ainsi été investis de 2013 à 2016. Ces crédits carbones permettent par ailleurs à ceux qui les achètent d’atteindre à moindre coût des objectifs fixés dans le cadre du protocole de Kyoto ou dans celui d’une démarche volontaire de neutralité carbone.

Clubs carbones

 

Mais jusqu’à présent l’Afrique en a très peu profité. L’enjeu est pourtant de taille pour le continent qui doit pouvoir avoir accès à ces instruments de financement. 34 pays africains font référence aux mécanismes de marché dans leurs engagements climatiques inscrits dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat.

Les négociateurs se sont fixés pour objectif de conclure les discussions au plus tard en 2018. Un objectif ambitieux compte tenu de la complexité des sujets à traiter. Il sera notamment compliqué d’établir des règles communes pour l’obtention et le transfert de réductions d’émissions tant les programmes nationaux divergent sur le fonds comme sur la forme. Plusieurs options sont ouvertes : entre une approche centralisée avec un système placé sous l’égide de la convention climat des Nations unies ou une dynamique multilatérale reposant sur la création de « clubs carbones » dont les réglementations ne seraient pas soumises aux Nations unies.

L’Afrique peut espérer tirer son épingle du jeu en se positionnant comme fournisseur de crédits pour ces futurs « clubs carbones » et ce faisant, tenter d’imposer des réglementations

favorisant les projets contribuant aussi aux objectifs prioritaires de développement durable des pays hôtes. Si à Marrakech, l’intégrité environnementale des mécanismes de marché a été au cœur des discussions, leur contribution au développement durable a été largement reléguée au second plan. C’est regrettable. Les négociateurs se disent soucieux d’assurer en premier lieu que ces mécanismes permettront bel et bien de réduire les émissions ; les enjeux liés au respect des droits de l’homme, à l’équité, au droit au développement seront traités ultérieurement… s’il reste du temps.

Développement durable

Certains ajoutent qu’il est impossible pour un marché de prendre en compte les multiples dimensions du développement durable ou bien que le développement est une prérogative nationale qui sort du cadre des négociations. Ces mythes sont la preuve que nous n’apprenons pas de nos erreurs. L’absence de critères rigoureux en matière de respect des droits de l’homme et de contribution au développement durable des projets dits de « Kyoto » a très largement contribué à la mauvaise presse qui a accompagné l’essor du mécanisme. Nous affirmons que la prise en compte des contributions au développement durable comme critère d’éligibilité des projets permettrait d’augmenter significativement le niveau d’ambition des engagements nationaux. Dans de nombreux pays en développement les engagements en faveur du climat se heurtent à une résistance de l’opinion publique qui demande avant tout des avancées sociales et économiques. Il est impératif de démontrer qu’il est possible de concilier ces agendas en facilitant l’intégration des objectifs climatiques dans les politiques de développement nationales. Les futurs mécanismes de marchés, et la lutte contre les changements climatiques, ont tout à gagner à prendre sérieusement en compte les objectifs de développement durable des pays.

Marion Verles, Directrice de la Fondation Gold Standard