Après s’être doté d’un nouveau président en la personne de l’ex-général Michel Aoun, le 31 octobre, après deux ans et demi de vacance à la tête de l’Etat, le Liban a parachevé la remise en route de ses institutions, du moins sur le papier, en formant, dimanche 18 décembre, un nouveau gouvernement. Dirigé par Saad Hariri, chef de file du camp sunnite et patron du mouvement politique Courant du futur, cette équipe, dite « d’entente nationale », compte des représentants de l’ensemble des factions politiques libanaises, à l’exception des phalangistes (droite chrétienne), qui ont refusé le portefeuille qui leur était proposé.

Le nouvel exécutif aura « à la tête de ses priorités de préserver la sécurité face aux incendies qui ravagent [la] région », a déclaré M. Hariri, metttant notamment l’accent sur les « conséquences négatives de la crise syrienne ». Son autre tâche consistera à préparer une nouvelle loi électorale en vue des législatives prévues pour juin 2017, un sujet épineux qui divise les partis et les communautés religieuses, dans un pays où la politique est basée sur la parité entre chrétiens et musulmans.

Comme après chaque période de tractations sur la formation d’un gouvernement, les commentaires vont bon train sur le courant politique qui a le mieux tiré son épingle du jeu. Certains observateurs saluent le retour en force sur la scène politique de M. Hariri, favori des chancelleries occidentales, déjà chef du gouvernement entre 2009 et 2011.

Affront personnel

En vue du scrutin de 2017, le fils de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, assassiné en 2005, a veillé à ce que plusieurs ministres choisis sur la quote-part du Courant du futur, soient représentatifs de l’aile dure du parti, opposée au Hezbollah, le mouvement chiite qui combat en Syrie aux côtés des forces gouvernementales. Un choix destiné à neutraliser la fronde de l’ancien ministre de la justice Achraf Rifi, pourfendeur de la politique de dialogue avec le Parti de Dieu défendue par M. Hariri.

Mais beaucoup de commentateurs s’accordent à dire que le nouveau gouvernement favorise in fine le courant pro-Damas, composé du Hezbollah, du parti Amal de Nabih Berri et du Courant patriotique libre du président Aoun. Sur les quatre portefeuilles régaliens, trois (justice, défense, affaires étrangères) ont été confiés à des partisans de cet axe.

La nomination à la justice de Salim Jreissati, l’un des avocats des membres du Hezbollah inculpés par le tribunal international chargé d’enquêter sur la mort de Rafic Hariri, constitue un affront personnel pour le premier ministre. L’entrée au gouvernement du Parti social nationaliste syrien, une formation associée elle aussi à la lutte contre la rébellion syrienne, confirme l’ascendant des pro-Damas au sein du nouvel exécutif.

« Le Hezbollah, comme d’habitude, n’a pris que des ministères bas de gamme, analyse Ali Mourad, spécialiste en droit public à l’Université arabe de Beyrouth. Mais la composition du gouvernement consacre la domination de son camp sur la scène politique libanaise. C’est la traduction, à l’échelle locale, de la victoire des forces pro-Assad à Alep. » Dans une interview publiée jeudi par le quotidien As-Safir, le dirigeant druze Walid Joumblatt, avait lui aussi mis en garde contre le retour de « l’emprise irano-syrienne » sur le pays du Cèdre.