Travaux de maintenance sur la ligne D du RER, à Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne, en novembre. | Baptiste FENOUIL/REA

C’est une première. Et un effort public sans précédent en faveur du ferroviaire en France qui vient d’être affirmé. Mardi 20 décembre, le conseil d’administration de SNCF Réseau a approuvé le premier contrat de performance pluriannuel entre l’Etat et l’établissement gestionnaire des voies ferrées françaises.

« Cela acte la progression des budgets consacrés à la modernisation du réseau à un niveau jamais atteint auparavant », se réjouit SNCF Réseau dans un communiqué.

Au total, 46 milliards d’euros seront consacrés, en dix ans, à la régénération du réseau ferré hexagonal, soit autant que la dette colossale de l’entreprise (44 milliards d’euros à la mi-2016). L’effort porte tout particulièrement sur les lignes très fréquentées (les plus « circulées » pour reprendre le jargon maison).

Ce réseau structurant – les lignes à grande vitesse et les grandes lignes des trains Intercités – aura droit à un financement particulier de 27,9 milliards d’euros d’ici à 2027, avec une montée en puissance progressive. Dès 2017, 2,6 milliards d’euros lui sont consacrés et, à partir de 2020, chaque année, 3 milliards d’euros seront destinés à sa remise à neuf.

Les lignes régionales et les nœuds ferroviaires bénéficieront, pour leur part, de 12 milliards d’euros sur dix ans. Ainsi, 900 millions d’euros seront investis par les régions et SNCF Réseau dès 2017 pour rénover les lignes régionales dans le cadre des contrats de plan Etat-région. Là encore, une montée en puissance est prévue, avec plus de 1 milliard dès 2018 contre 600 millions aujourd’hui.

« Une étape très importante a été franchie »

Enfin, pour arriver aux 46 milliards d’euros promis, il faut ajouter 4,5 milliards d’euros de travaux de mise en conformité (suppression des passages à niveau, accessibilité aux handicapés…) et 1,8 milliard d’euros destinés aux achats industriels et technologiques (numérisation des voies, achat de trains-usines ou de grues spéciales pour poser les aiguillages…).

Pour la première fois, la France s’engage à long terme sur le ferroviaire, comme elle le fait sur le militaire

C’est peu dire que ce plan de financement pluriannuel était attendu. En interne, d’abord, où l’on se dit ravi de disposer d’une visibilité financière à long terme et d’échapper enfin aux aléas d’un financement de type budgétaire remis en question chaque année.

« Une étape très importante a été franchie, se félicite-t-on chez SNCF Réseau. Pour la première fois, nous avons droit à une enveloppe spécifique pour le réseau structurant. »

Au-delà de SNCF Réseau, toutes les institutions qui gravitent autour du ferroviaire réclamaient, depuis plusieurs années, ce contrat prévu par la loi sur la réforme ferroviaire de 2014 et exigé par les directives européennes sur le rail. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, dans un avis sévère émis le 15 décembre sur le projet de budget 2017 de SNCF Réseau, en rappelait la nécessité. « Il est urgent de conclure, dans les meilleurs délais, un contrat ambitieux », insistait le gendarme du rail, qui doit désormais valider le contrat du mardi 20.

Pour la première fois, donc, la France s’engage à long terme sur le ferroviaire, comme elle le fait sur le militaire. Il a fallu forcer la main de Bercy, très réticent à ce genre d’exercice, et qui rechignait, depuis plusieurs mois, à valider le chiffrage. L’Etat a fini par céder sous la pression des incidents, des accidents, des usagers, des élus… Il définit enfin un semblant de stratégie : investir massivement sur le réseau le plus fréquenté, éventuellement au détriment du reste.

« Cela ne suffit pas »

Mais ce contrat de performance suffira-t-il à rénover un réseau qui a vingt ans de retard ?

« Les moyens, c’est bien, mais cela ne suffit pas, réagit Jean Lenoir, vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers et ancien administrateur de SNCF Réseau. L’effort de productivité est essentiel pour y arriver. »

Le ­contrat, justement, prévoit un engagement de performance et d’économies à hauteur de 1,2 milliard d’euros à l’horizon 2026.

« Un réseau rénové entraîne moins d’entretiens correctifs, détaille-t-on chez SNCF Réseau. Nous allons aussi gagner sur les achats, grâce à la relation de long terme avec nos fournisseurs, permise par l’existence du contrat. »

SNCF Réseau compte aussi améliorer sa productivité, en allongeant les périodes de travaux nocturnes – de six heures actuellement à huit heures. Cela nécessitera des discussions avec les associations d’usagers, qui anti­cipent déjà une « gêne colossale sur les dessertes du soir, du matin, du week-end et les trains de nuit ».

Si une nouvelle étape a été franchie vers une modernisation de la gouvernance du rail français, il reste bien des inconnues. A commencer par la question, toujours pas réglée, de l’énorme dette de SNCF Réseau. Sans même parler de l’avenir du contrat lui-même, soumis à une révision dans trois ans et aux vicissitudes de la vie politique française, qui connaît une échéance majeure dans moins de six mois.