Quatre millions d’Africains mourront d’ici à 2020 de maladies non transmissibles tels que le cancer ou le diabète, selon une étude publiée le 20 décembre par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ce chiffre devrait dépasser en 2030 le nombre d’Africains mourant de maladies infectieuses comme le sida ou le paludisme.

Quand Rose Kariuki a remarqué pour la première fois la présence d’une grosseur sur un de ses seins, le cancer était la dernière chose qu’elle avait en tête. Elle en avait entendu parler qu’à la télévision. « Pour moi, le cancer n’existait pas pour nous. Ça a été un choc, j’ai eu peur de mourir, j’ai eu peur de tellement de choses », explique cette enseignante kényane de 46 ans.

Rose figure parmi le nombre croissant d’Africains à souffrir d’un cancer. Cette maladie liée au mode de vie fait - avec le diabète et les maladies cardio-vasculaires - de plus en plus de ravages sur le continent.

Tabagisme et sédentarité, des facteurs de risque

Dans son étude portant sur 33 pays africains, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) affirme que « la plupart » des Africains présentent au moins un des principaux facteurs de risque pour les maladies non transmissibles (MNT), tels que le tabagisme ou l’inactivité physique. Les femmes sont les plus à risques. Avant de guérir Rose a subi une mastectomie. Ses cheveux sont tombés et ses ongles devenus noirs avec la chimiothérapie.

Mais ses ennuis avec le cancer ne se sont pas arrêtés là. Sa mère, âgée de 64 ans, souffrait de diabète et dépérissait à vue d’œil. Rose l’a encouragée à faire des examens. Diagnostic : un cancer du pancréas.

« C’est peut-être le mode de vie de ma mère qui a provoqué ça. Elle vit à Nairobi, ne bouge pas beaucoup, elle ne va pas chercher de l’eau comme les femmes du village », avance Rose. L’enseignante s’efforce désormais de pousser sa fille de 16 ans à faire de l’exercice et à surveiller son alimentation. Elle prend aussi des cours de yoga et de danse au centre Faraja, chargé de soutenir des patients du cancer à Nairobi.

Malbouffe

Plus grande ville d’Afrique de l’Est, la capitale kényane est à l’image de ces grandes agglomérations africaines où s’étend un mode de vie de plus en plus urbain et sédentaire. Les travailleurs passent de longues heures au volant de leur voiture, coincés dans les embouteillages et restent assis à leur bureau toute la journée. Les week-ends sont passés dans des centres commerciaux, où la « malbouffe », pizzas et hamburgers, est omniprésente.

Selon l’OMS, 35 % des Africains sont obèses. Alors que l’industrie alimentaire a dû s’adapter en Occident, face à la prise de conscience croissante de la population en matière de santé, c’est loin d’être le cas en Afrique.

Les industriels « voient l’Afrique comme un terrain fertile, à cause de la faiblesse des législations et des politiques dans notre région. Ils y voient une opportunité de faire beaucoup d’argent », observe l’auteur du rapport de l’OMS, Abdikamal Alisalad.

Pour Philip Ouma, membre de l’encadrement du centre oncologique Faraja à Nairobi, le risque ne concerne pas seulement la classe moyenne, mais aussi les populations les moins aisées. « Au départ, ils disaient que le cancer est une maladie de riches, mais on trouve beaucoup de gens qui l’ont et sont pauvres », affirme-t-il, tout en admettant qu’il est « possible que le système de détection soit meilleur ».