Grèves à la Banque postale, à Londres, le 19 décembre. | JUSTIN TALLIS / AFP

Le Daily Mail l’a qualifié de « Noël du mécontentement », en lointain écho à « l’hiver du mécontentement » de 1978-1979, quand le Royaume-Uni était paralysé par les grèves. Le tabloïd de droite s’insurge face à la série de débrayages que connaît actuellement le pays. Trains, avions et bureaux de poste sont touchés par des grèves séparées mais concomitantes, qui viennent perturber les fêtes de fin d’année.

Le conflit à l’impact le plus important concerne l’entreprise ferroviaire Southern Railway, qui gère les lignes de trains reliant Londres au sud de l’Angleterre. Le bras de fer entre les syndicats et la direction dure depuis cet été, et ses 300 000 passagers quotidiens subissent de pénibles retards à répétition. Lundi 20 et mardi 21 décembre, les contrôleurs ont organisé deux nouveaux jours de grève, et prévoient de recommencer les 31 décembre et 2 janvier. La direction veut que les conducteurs prennent en charge l’ouverture et la fermeture des portes, alors que ce travail revient aujourd’hui aux contrôleurs, présents dans les wagons. Il en va de la sécurité des trains, assurent les syndicats.

A cette dispute s’est ajoutée une grève de la poste, concernant la hausse salariale des prochaines années. Les personnels en cabine de British Airways ont ensuite organisé leur protestation : contestant leur rémunération, ils ont annoncé une grève le jour et le lendemain de Noël.

La société en « otage »

Ces différents mouvements ont provoqué une vive réaction politique. Lundi soir, la première ministre, Theresa May, a reçu vingt-cinq députés conservateurs furieux, qui demandent une nouvelle législation pour durcir le droit de grève. Chris Philp, l’un d’eux, a soumis une proposition de loi pour donner aux juges le droit de bloquer une action si celle-ci n’est pas « proportionnée et raisonnable ». Lord Michael Heseltine, un ancien ministre de Margaret Thatcher, s’insurge contre « ce petit groupe de personnes qui tient en otage la société ».

La réalité est pourtant que l’impact de ces grèves est limité. Si les problèmes sur les lignes de Southern Railway sont réels, ils ne concernent qu’une petite partie du pays. Du côté de la poste, seule une cinquantaine de bureaux ont finalement dû fermer le temps de la grève. Quant à British Airways, la direction affirme qu’elle ne prévoit pour l’instant l’annulation d’aucun vol, la mobilisation des grévistes semblant faible.

De plus, les comparaisons avec l’hiver du mécontentement ne tiennent pas. En 1980, il y a eu près de trente millions de jours de travail perdus par la grève. Sur les dix premiers mois de cette année, le décompte n’atteint pas… 300 000, soit environ 1 % du pic de l’époque.

En tenant tête aux grandes grèves, particulièrement celle des mineurs en 1984, Margaret Thatcher a mis les syndicats britanniques à genoux. Elle leur a imposé deux lois : les grèves de solidarité (pour une autre entreprise, par exemple) sont interdites, et les syndicats sont obligés d’organiser un vote des salariés pour organiser une grève.

Depuis le début des années 1990, le nombre de mouvements sociaux s’est effondré. Il a légèrement augmenté depuis une décennie, mais de façon marginale. Et pourtant, la pression sur les syndicats demeure. Une nouvelle loi, votée quand David Cameron était premier ministre, va entrer en vigueur l’année prochaine, les obligeant à obtenir au moins 50 % de participation lors des scrutins décidant des grèves.

« Essayer d’utiliser un écran de fumée pour expliquer que tous les problèmes viennent des syndicats et que le reste du pays va bien est franchement superficiel », s’agace sur la BBC Terry Pullinger, du syndicat des télécommunications CWU. Pour l’instant, Mme May, qui promet d’être plus à l’écoute des classes populaires, a refusé les appels à durcir le droit de grève. Mais la tentation dans sa majorité est clairement présente.