Mark Zuckerberg met en scène sa vie privée dans trois vidéos présentant « Jarvis », un programme d’intelligence artificielle qui l’assiste dans son quotidien.

C’était sa bonne résolution pour 2016 : Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, avait expliqué en janvier qu’il comptait bâtir de ses mains une intelligence artificielle (IA) ressemblant à « une sorte de Jarvis dans Iron Man ». C’est-à-dire un valet numérique, capable de l’assister dans son quotidien et notamment dans sa maison, à l’image du programme utilisé par le super-héros interprété par Robert Downey Jr.

Lundi 19 décembre, Mark Zuckerberg a présenté le résultat sur son compte Facebook, dans une mise en scène très travaillée qui s’est étalée sur plusieurs jours. Vidéos, articles, « teasing »… Tout a été fait pour attirer l’attention, à commencer par la mise en scène de sa vie privée – pratique dont le milliardaire est de plus en plus coutumier.

Canon à t-shirt et bâillement feint

Trois vidéos très travaillées et scénarisées présentent la façon dont Jarvis est utilisé par la famille. On découvre ainsi Mark Zuckerberg au réveil, emmitouflé dans sa couette, saluant le programme en feignant un bâillement. Jarvis ouvre les rideaux, liste ses rendez-vous, tout en causant en mandarin à sa fille dans une autre pièce. Il passe les toasts au grille-pain et dispose… d’un canon à t-shirt, qui expulse le célèbre vêtement gris dont le fondateur de Facebook ne se départit jamais.

Jarvis, jamais avare de plaisanteries, reconnaît les parents de Mark Zuckerberg à la porte et les laisse entrer automatiquement. Le programme peut lancer de la musique, changer la température et éteindre la lumière, ce qui fait parfois soupirer Priscilla Zuckerberg, parfaite dans le rôle de l’épouse tendrement agacée par les inventions de son génie de mari. Le ton est joyeux et humoristique, soutenu par une musique légère propre aux spots publicitaires de la Silicon Valley. Et par la voix de Morgan Freeman, qui incarne le programme, révélée à la troisième publication après que le patron de Facebook a fait monter le suspense – générant au passage une nouvelle vague d’excitation virale et médiatique.

L’opération de communication est réussie, même si certains en raillent la mise en scène « bizarre ». Comme le site spécialisé The Verge, qui estime que « la démonstration de Mark Zuckerberg est plus robotique que la maison elle-même », soulignant que le jeune trentenaire « n’est pas Tony Stark [le milliardaire derrière l’armure d’Iron Man], du moins en ce qui concerne le charisme ».

Pourquoi une telle opération séduction ? Jarvis n’est pas prévu pour entrer sur le marché, annonce d’emblée le patron de Facebook. Mais en faisant monter la sauce autour de cette histoire, Mark Zuckerberg renforce son image de « cool guy » et envoie le message que l’IA, enjeu clé des géants du Web, est dans son ADN.

Une IA bien loin de celle d’« Iron Man »

1,4 million de « j’aime » plus tard, que vaut vraiment Jarvis ? Difficile de le savoir, puisque les démonstrations se limitent à ces vidéos quasi publicitaires. Sauf une : un journaliste du site Fast Company a été invité à découvrir Jarvis chez Mark Zuckerberg. Avec un résultat bien moins convainquant que dans les vidéos. Ainsi, si Jarvis allume et éteint à merveille les lumières quand on lui demande à l’écrit sur smartphone, il aura fallu quatre tentatives pour qu’il s’exécute après une commande orale, affirme le journaliste. « Wow, il n’y a jamais eu autant de ratés », s’est justifié Mark Zuckerberg, embarrassé, selon Fast Company. Il a aussi fallu se répéter pour lui demander de lancer une musique ou de l’éteindre. Et le programme se trompe parfois de pièce, activant la lumière ou la musique au mauvais endroit. Il est toutefois capable d’apprendre les goûts musicaux de la famille et de leur suggérer de nouveaux morceaux.

Bref, s’il est capable d’effectuer certaines actions du quotidien comme le font déjà les assistants Alexa d’Amazon et Google Home, Jarvis est encore bien loin de son modèle cinématographique, malgré les vidéos qui le font passer pour une intelligence artificielle très sophistiquée, proche de celles de la science-fiction.

Et c’est bien compréhensible : Mark Zuckerberg affirme avoir passé une centaine d’heures seulement à développer cet outil. Dans l’espace commentaires de la première vidéo qu’il a publiée, le patron de Facebook a tout de même cru bon de préciser : « Au cas où ce ne serait pas clair, l’objectif [de cette vidéo] est d’être un résumé amusant et non une démonstration live. » La dernière en date est beaucoup plus claire : humoristique, elle se place du point de vue de Jarvis lui-même et laisse entendre ses pensées, comme s’il en disposait.

Course aux annonces

Un mélange des genres qui a de quoi semer la confusion, à l’heure où les annonces tonitruantes se multiplient sur les progrès de l’intelligence artificielle, pas toujours faciles à décrypter.

Facebook y participe amplement : elle fait partie des entreprises les plus avancées dans ce domaine, avec trois centres de recherche consacrés à l’intelligence artificielle, dont l’un à Paris. L’entreprise a recruté à sa tête le Français Yann LeCun, l’un des inventeurs du « deep learning », une méthode qui a récemment permis des progrès considérables dans le domaine.

Dans la course aux annonces, Facebook s’est peut-être montrée moins spectaculaire ces derniers mois que Google, dont l’entreprise DeepMind a réussi à créer une technologie capable de battre l’humain au jeu de go, ou IBM, dont le programme d’intelligence artificielle, « humanisé » sous l’identité de Watson, s’invite aussi bien dans les hôpitaux que les cabinets d’avocats. La série de publications sur Jarvis de Mark Zuckeberg, l’homme aux 1,8 milliard d’« amis », n’a pas manqué de susciter l’intérêt du grand public, renforçant ainsi l’image de Facebook comme acteur incontournable de l’intelligence artificielle.