Le personnel soignant attend des patients touchés par Ebola, devant les urgences de l’hôpital de Conakry, en mars 2014. | Youssouf Bah/ASSOCIATED PRESS

C’est une avancée majeure dans la lutte contre une des épidémies les plus effrayantes que l’Afrique de l’Ouest ait connue. Un vaccin s’est révélé « jusqu’à 100 % » efficace contre Ebola, a déclaré, vendredi 23 décembre, Marie-Paule Kieny, sous-directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce virus extrêmement contagieux a fait plus de 11 300 victimes et laissé les pays infectés exsangues. Ebola s’était déclaré dans la région de Guéckédou, dans le sud de la Guinée en décembre 2013, avant de gagner rapidement deux pays frontaliers, la Sierra Leone et le Liberia. Au total, 28 000 cas ont été recensés.

Durant des mois, le virus s’était propagé par transmission interhumaine, à la suite de contacts directs avec du sang, des sécrétions des organes ou des liquides biologiques des personnes infectées. L’épidémie avait été hors de contrôle, notamment à cause de la difficulté à retrouver les contacts des personnes infectées, en particulier lors des rites funéraires où toute la famille est rassemblée. L’OMS avait été accusée de tarder à déployer une réponse sanitaire à la hauteur de la gravité de l’épidémie.

Les essais de ce vaccin, le rVSV-ZEBOV – dont la revue The Lancet publie vendredi les résultats finaux –, ont été menés sous la direction de l’OMS en Guinée sur 11 841 personnes pendant l’année 2015. Parmi les 5 837 sujets ayant reçu le vaccin, aucun cas d’Ebola n’a été enregistré dix jours ou plus après la vaccination.

Démarche de vaccination « en cercle »

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Il a été mis au point par l’Agence de la santé publique du Canada et sa licence a été cédée à NewLink Genetics, qui a son tour l’a vendue au laboratoire Merck. Le vaccin utilise un agent rendu inoffensif, le virus de la stomatite vésiculaire (VSV), dans lequel a été introduit le gène d’une protéine présente à la surface du virus Ebola. Il entraîne une stimulation du système immunitaire contre cette protéine et a donc un effet protecteur contre le virus Ebola.

Les chercheurs ont mené leurs travaux dans la région côtière de la Basse-Guinée au moment où cette zone connaissait encore des cas d’Ebola. La technique s’inspire de la démarche de vaccination « en cercle » qui avait montré son efficacité pour éradiquer la variole. Elle consiste à proposer le vaccin à toutes les personnes ayant été en contact avec un nouveau cas d’Ebola au cours des trois semaines précédant le diagnostic. Au total, 117 grappes (ou « cercles »), comprenant en moyenne jusqu’à 80 individus, ont été identifiées.

« Chaque fois qu’un nouveau cas d’Ebola était diagnostiqué, l’équipe de recherche retrouvait toutes les personnes ayant été en contact avec ce cas au cours des trois semaines précédentes, et notamment les personnes vivant dans le même foyer, visitées par le malade ou ayant été en contact étroit avec lui, ses vêtements ou son linge, ainsi que certains contacts de contacts », explique l’OMS.

Quarante ans pour mettre au point un vaccin

Panneau d’affichage contre l’épidémie d’Ebola, à Freetown, le 15 janvier 2016. | Aurélie Marrier d'Unienville/AP

Après tirage au sort, les membres des cercles ont reçu la dose vaccinale soit immédiatement, soit au terme d’un délai de trois semaines et la vaccination n’a été proposée qu’aux adultes de plus de 18 ans. Puis à la suite des premiers résultats très encourageants montrant l’efficacité du vaccin, le vaccin a été proposé immédiatement à tous les cercles et l’essai a été ouvert aux enfants de plus de 6 ans.

Pour évaluer l’innocuité de ce vaccin, les personnes vaccinées ont été observées pendant trente minutes après la vaccination et lors de visites à domicile répétées jusqu’à douze semaines plus tard. Environ la moitié ont signalé des symptômes bénins immédiatement après la vaccination, dont des céphalées, de la fatigue et des douleurs musculaires, mais se sont rétablies dans les jours qui ont suivi, sans effet à long terme. Deux événements indésirables graves ont été jugés liés à la vaccination (une réaction fébrile et une réaction anaphylactique) et un autre comme potentiellement associé (syndrome de type grippal). Les trois personnes touchées se sont rétablies sans effet à long terme.

Il aura fallu quarante ans pour mettre au point un vaccin Ebola. Le virus avait été découvert en 1976 au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo près de la rivière Ebola. Mme Kienny l’assure :

« S’il y avait un cas d’Ebola et une nouvelle épidémie, nous sommes maintenant prêts à y répondre »