Quelques clics pour devenir donneur d’organe volontaire : la simplicité d’une application mobile pourrait changer la donne en Chine, où les donneurs sont rares. Grâce à un partenariat d’Alibaba, le géant du commerce en ligne, avec une fondation qui répertorie les donneurs volontaires, le nombre d’inscrits a presque doublé depuis jeudi 22 décembre. Une bonne nouvelle pour un système confronté à une pénurie depuis que la collecte d’organes sur les prisonniers exécutés a été officiellement abandonnée en janvier 2015.

Jusqu’au jour précédent le lancement de l’opération, la Chine comptait environ 80 000 personnes inscrites sur les registres de donneurs volontaires. Dérisoire au regard de sa population de près d’1,4 milliard d’individus. D’après des chiffres officiels, un million de personnes nécessitent une greffe de rein tous les ans, et 300 000 personnes se trouvent sur la liste d’attente pour une greffe de foie. En comparaison, aux Etats-Unis, 130 millions de personnes, soit 48 % des adultes en âge de donner, sont inscrites comme donneur volontaire.

Alipay, le portefeuille électronique d’Alibaba, compte 450 millions d’utilisateurs, soit deux internautes chinois sur trois. L’entreprise s’est associée à la Fondation pour le développement de la transplantation d’organes de Chine, l’une des deux associations qui promeut et recueille les déclarations de volontaires. Le site web de la fondation permettait déjà de s’inscrire en ligne, au prix d’un processus lourd, puisqu’il fallait répondre à une vingtaine de questions, puis entrer ses données personnelles.

Besoin important de donneurs

Suffisant pour décourager beaucoup de donneurs potentiels, d’après Huang Jiefu, pionnier de la greffe en Chine, et ancien directeur du Comité national pour la transplantation d’organes, et actuel président de la fondation qui vient de s’associer avec Alibaba. « Une étude montre que nous pourrions perdre un million de donneurs potentiels par information demandée en plus », a-t-il expliqué au magazine économique Caixin.

Grâce à la collaboration avec Alipay, les donneurs potentiels n’ont qu’à se rendre sur la page de la fondation, désormais accessible directement depuis le portail « Santé » d’Alipay, et peuvent s’inscrire en deux clics, ou choisir de s’informer d’avantage avant de faire leur choix. S’ils acceptent, ils doivent confirmer le transfert à la fondation, de leur nom et numéro de carte d’identité, dont dispose déjà Alipay. Le lendemain du lancement du partenariat, le nombre d’inscrits sur la liste de la Fondation pour le développement de la transplantation d’organes était passé de 40 000 à 70 000.

La Chine a besoin de donneurs. En janvier 2015, le pays a officiellement abandonné la pratique qui consistait à récupérer les organes de condamnés à mort après leur exécution. Un état de fait, admis par la Chine au début des années 2000 et qui suscitait des critiques de la communauté internationale. La Chine n’est entrée à la Société internationale pour les dons d’organes qu’à la suite de ce changement, en octobre 2015.

Prélèvements d’organes sur les prisonniers

Beaucoup doutent cependant de la sincérité du changement de pratique. Un rapport publié en juin 2016 par des défenseurs des droits de l’homme affirme qu’il suffit de mettre en regard différents chiffres publics pour remettre en cause les affirmations du gouvernement. D’après analyse de David Kilgour, ancien secrétaire d’Etat canadien, et David Matas, avocat des droits de l’homme, et du journaliste Ethan Gutmann, en additionnant le nombre de greffes déclarées par les hôpitaux chinois, on dépasse facilement les chiffres officiels déclarant 2 766 donneurs, 7 785 organes collectés pour environ 10 000 opérations en 2015.

Ils estiment qu’en réalité, le nombre de greffes entre 60 000 et 100 000. La différence étant fournie selon eux par les prélèvements sur des prisonniers, et notamment des prisonniers de conscience, comme les membres du Falun Gong, une secte interdite en Chine depuis 1999, et qui dénonce des prélèvements d’organes sur ses prisonniers. Ces accusations, difficiles à prouver, sont récusées par les autorités chinoises. Huang Jiefu reconnaît toutefois que l’opacité nuit au système. « Des hôpitaux ont obtenu des organes grâce à leur connections avec des juges », dénonçait-il dans Caixin en novembre 2015.