Rebelote ! Vendredi 23 décembre, à partir de 4 heures, plusieurs syndicats de VTC entendent filtrer les abords des aéroports de Roissy et d’Orly avant d’organiser une opération escargot jusqu’au siège d’Uber, dans le 19e arrondissement de Paris. Cette action doit se doubler d’un boycott du service de la société américaine.

Depuis le 15 décembre, les syndicats de chauffeurs de VTC (UNSA, CAPA, Actif, CFDT, etc.) mènent la fronde contre la première plateforme de mise en relation avec des passagers. Après quatre jours de mobilisation, parfois violente, les chauffeurs grévistes ont accepté lundi de discuter avec la société américaine sous l’égide du ministère des transports. Les résultats sont pour l’instant bien minces.

La plateforme a proposé de créer un fonds de soutien aux chauffeurs en difficulté doté de 2 millions d’euros, sans pour autant en donner le mode d’emploi. Trop peu pour les chauffeurs mobilisés qui réclamaient, avec le soutien d’Alain Vidalies, le secrétaire d’Etat aux transports, une baisse de cinq points de la commission que la société prélève sur chaque course.

  • A l’origine du conflit, une augmentation des tarifs et des commissions

Le 8 décembre, à la surprise générale, Uber avait augmenté les prix de son service de 15 % en moyenne, tout en imposant une commission de 25 % sur les courses, contre 20 % auparavant. Ce qui se traduit par une hausse de moins de 5 % des revenus pour les chauffeurs…

Sur le fond, les conducteurs professionnels souhaitent renforcer leur pouvoir vis-à-vis d’un donneur d’ordre aujourd’hui omnipotent. Uber a créé un écosystème dans lequel il maîtrise tout, sans impliquer les chauffeurs, qui sont censés être indépendants. Ceux-ci se plaignent notamment d’être « déconnectés » du service lorsqu’ils reçoivent des critiques des passagers et de n’avoir aucun recours… Là où Uber voit un moyen de maintenir la qualité de son service, les chauffeurs voient une privation arbitraire de leur activité.

  • Une « start-up » devenue mastodonte, mais qui perd de l’argent

Si Uber refuse tout compromis, c’est que le groupe est convaincu que ses tarifs et frais de service « permettent la rentabilité la plus élevée du secteur pour les chauffeurs, et se situent à un niveau indispensable pour garantir la pérennité d’Uber face à des investissements importants en France », explique-t-il dans un communiqué.

C’est aussi que la société présente un bilan financier alarmant au niveau mondial. L’entreprise a accusé au troisième trimestre un déficit de 800 millions de dollars (768 millions d’euros). Sur les neuf premiers mois de 2016, elle a déjà perdu plus de 2,2 milliards de dollars.

Depuis sa création en 2009, l’entreprise a englouti quelque 5 milliards de dollars pour financer son rapide développement. Et elle multiplie les levées de fonds et les emprunts.

  • Une relation déséquilibrée

Si les chauffeurs revendiquent une relation plus équilibrée et un meilleur partage des revenus, c’est parce qu’ils peinent à vivre de leur activité. Ils font valoir les longues heures passées au volant pour un salaire modeste, autour du smic. Selon Uber, ils gagneraient entre 1 400 et 1 600 euros nets par mois. Mais ceux qui ne peuvent aligner 50 heures hebdomadaires sur les routes gagnent bien moins.

Pourquoi les chauffeurs ne quittent-ils pas massivement l’application pour d’autres, moins gourmandes ? D’une part, Uber reste la plateforme la plus populaire et donne accès à un gigantesque vivier de clients. D’autre part, les autres entreprises de VTC sont souvent plus sélectives que la firme américaine quant au profil des chauffeurs.

  • Un cadre juridique à inventer

La nouvelle loi Grandguillaume sur les VTC, adoptée définitivement au Parlement mercredi, pourrait néanmoins changer les choses. En interdisant les chauffeurs dits sous statut Loti (qui sont des salariés d’entreprises de VTC) pour ne conserver qu’un statut de chauffeurs indépendants, cette loi devrait faire mécaniquement baisser le nombre de conducteurs et contribuer à rétablir un rapport de force un peu plus équilibré avec Uber.

En attendant, Jacques Rapoport, le médiateur nommé par le gouvernement, poursuit ses consultations avec l’ensemble des syndicats de chauffeurs pour avancer sur un agenda de réformes des relations entre plateformes et conducteurs.

Si Uber refuse de toucher à son modèle économique, l’entreprise reste ouverte à des évolutions pour améliorer les revenus ou l’environnement de travail de ses chauffeurs.