Une donation peut être remise en cause à la mort du donateur, même si le donataire ne fait pas partie des héritiers. | RHONA WISE / AFP

Fin octobre 2011, Hervé X. donne plusieurs milliers d’euros à un ami, que nous appellerons M. Z. Deux jours plus tard, il décède, laissant pour héritiers son épouse et ses trois enfants. Sa succession déclenche alors un feuilleton judiciaire.

Ses héritiers contestent en effet la donation manuelle qu’a reçue M. Z.. A leurs yeux, elle dépasse la « quotité disponible » dont Hervé X. avait le droit de disposer à sa guise, grignotant ainsi un bout de leur « réserve héréditaire ».

Rappelons que lors d’une succession, on reconstitue, fictivement, le patrimoine du défunt avant le partage. Sans entrer dans les détails, retenez qu’on prend en compte les biens dont il disposait à sa mort et ses dettes, mais aussi les « libéralités » qu’il a accordées de son vivant, c’est-à-dire les sommes d’argent qu’il a données aux uns et aux autres avant son décès (sauf exceptions).

Sur l’ensemble de ce patrimoine, libéralités comprises, les enfants doivent toucher au minimum leur « réserve héréditaire ». C’est la partie de l’héritage qui leur revient forcément. Elle représente la moitié du patrimoine en présence d’un seul enfant, les deux tiers avec deux enfants, les trois quarts avec trois enfants ou plus. Le reste constitue la « quotité disponible » : c’est la somme dont le défunt a pu disposer librement.

Près de 20 000 euros de trop

Dans notre affaire, la donation accordée à M. Z. excédait d’environ 20 000 euros cette quotité disponible dont Hervé X. pouvait disposer à sa guise. Ses enfants ont donc estimé que le dépassement devait leur être rendu.

En première instance, la justice leur donnera raison. Mais revirement fin 2014 : la cour d’appel de Douai les déboute, au motif que « le rapport d’une donation ne s’impose pas pour un tiers à la succession ». En clair : la donation reçue par M. Z. n’avait pas à être prise en compte au moment de la succession car celui-ci ne figurait pas parmi les héritiers.

Peu importe le donataire…

Faux, a rappelé la Cour de cassation le 9 novembre, allant dans le sens des héritiers. « Cette libéralité, même consentie à un tiers, porte atteinte à la réserve et est déductible de la quotité disponible », souligne l’arrêt. Peu importe, donc, le destinataire de la donation…

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Le Code civil dit bien que « les libéralités […] qui portent atteinte à la réserve d’un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible » lors de la succession (article 920) et que « lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive » (article 924).

Morale de l’histoire : « mieux vaut être prudent si un ami vous donne de l’argent, une telle donation est susceptible d’être remise en cause des années après lors de la succession, le bénéfice d’une donation n’est pas absolu », commente Anthony Bem, avocat spécialiste du droit des successions. « A partir du décès, les héritiers ont dix ans pour se manifester, quelle que soit la date de la donation. »