Les journaux nigériens et tchadiens se posent en boucle la même question : « Mais que faisait l’écrivain français Thomas Dietrich, proche de l’opposition tchadienne, à Agadez ? » Arrêté lundi 19 décembre, au lendemain de son arrivée dans la principale ville du nord du Niger, l’écrivain de 26 ans a été « définitivement expulsé avec interdiction de séjour pour raison de sécurité intérieure de l’Etat », selon un arrêté de la police nigérienne. Il est arrivé en France vendredi 23 décembre.

Selon RFI, lors de son séjour, il se trouvait en compagnie de Hissein Nouri, fils de Mahamat Nouri, opposant au président tchadien Idriss Déby et instigateur d’une tentative de coup d’Etat contre celui-ci en 2008.

Dans un communiqué signé par Mahamat Nouri, deux partis d’opposition du Tchad, l’Union des Forces pour la Démocratie et le Développement (UFDD) et l’Alliance Nationale pour le Changement et la Démocratie (ANCD) ont condamné l’arrestation de l’écrivain, précisant que M. Dietrich « ne sympathise avec aucune organisation armée ou parti politique de l’opposition tchadienne ». Cité par RFI, le ministre nigérien de l’intérieur le qualifie pourtant de « dangereux » et « ne veut pas que quelqu’un tente de déstabiliser le Tchad ». Selon des sources sécuritaires mentionnées par la radio internationale, il aurait voulu se rendre en Libye pour « rejoindre des groupes armés tchadiens ».

Expulsé du Tchad en avril

Depuis son retour sur le sol français, M. Dietrich s’est dit « bien traité » par la police nigérienne et s’est défendu de toute volonté de déstabilisation violente : « La seule arme dans mes bagages au Niger, c’était ma plume » a-t-il posté sur Twitter. « Et mon seul plan de rébellion, c’était le rêve d’un Tchad meilleur, en paix. »

Du côté du Quai d’Orsay, peu de commentaires filtrent sur le sujet. Après plusieurs jours sans déclaration publique, tout juste sait-on que les autorités françaises sont restées en contact avec les autorités locales sur ce sujet, en le considérant comme « une procédure nigérienne », selon une source diplomatique.

Primé pour ses deux romans se déroulant en Centrafrique et au Tchad, des pays où il a vécu, Thomas Dietrich avait déjà été expulsé de la capitale tchadienne N’Djamena en avril dernier, peu avant l’élection présidentielle qui avait vu la réélection d’Idriss Déby, au pouvoir depuis 1990. Il avait raconté quelques jours plus tard son « interrogatoire musclé » par les services de renseignement, et annoncé qu’il avait porté plainte pour torture.

A plusieurs reprises, l’auteur, ancien haut fonctionnaire dans le domaine de la santé, a répété dans la presse son engagement pacifique pour l’opposition au président Déby depuis 2008. Cette année-là, les rebelles commandés, entre autres, par M. Nouri, avaient réussi à entrer dans la capitale, N’Djamena, s’approchant du palais présidentiel, mais avaient dû se replier. Un traité de paix en 2010 a mis fin au conflit, et l’ex-rébellion se trouve désormais en exil, notamment en Libye où elle avait passé en 2011 des accords avec des groupes rebelles opposés à Mouammar Kadhafi.