« L’année 2016 sera-t-elle celle du renouveau ? », nous demandions-nous fin 2015, à l’heure de revenir sur douze mois pollués par les turpitudes sans fin d’une FIFA décrédibilisée, par la corruption vertigineuse d’une Fédération internationale d’athlétisme couvrant le dopage d’athlètes russes, ou encore par « l’affaire de la sextape » toujours pas réglée. Alors l’année 2016 a-t-elle été celle d’un nouveau départ, d’un premier pas vers un sport plus propre, plus sain, plus vertueux ? Si oui, cela nous a échappé.

Certes, on retiendra la fraîcheur d’Antoine Griezmann, le conte de fées de Leicester, le troisième triplé olympique d’Usain Bolt ou la belle histoire de Tony Yoka et Estelle Mossely, au milieu de dizaines d’autres souvenirs merveilleux. Mais, avec toutes nos excuses pour l’immense majorité de sportifs qui ne font de mal à personne, il faut bien constater qu’après l’annus horribilis 2015, l’horribilissimis 2016 aura enfanté une belle portée de scandales de dopage, d’évasion fiscale et d’affaires sordides en tous genres.

S’il en restait, les théoriciens d’une « exemplarité » à laquelle les athlètes, pour une raison qu’on ignore, seraient davantage tenus que les autres citoyens, se seront sans doute fait une raison : la tricherie, l’injustice et la violence sont des continents de la planète sport.

Papers & Leaks

Cristiano Ronaldo, le 3 décembre 2016, jour de clasico face au FC Barcelone, et jour des révélations des « Football Leaks » à son sujet. | LLUIS GENE / AFP

Par où débuter ? Par la fin peut-être. Décembre se sera déroulé au rythme des « Football Leaks » qui nous auront offert, tel un calendrier de l’Avent, une nouvelle friandise chaque jour. L’enquête de longue haleine menée par douze médias européens, dont Mediapart, a mis en lumière l’exil fiscal pratiqué à grande échelle par le monde du football, les clauses déroutantes des contrats de certains joueurs ou bien les pratiques peu orthodoxes des agents les plus influents.

Ainsi a-t-on appris, par exemple, que Cristiano Ronaldo avait dissimulé quelque 150 millions d’euros dans des paradis fiscaux depuis sept ans ; que Mario Ballotelli, lors de son passage à Liverpool, bénéficiait d’un bonus annuel d’un million de livres pour le simple fait de rester sage, à savoir écoper de moins de trois cartons rouges par saison pour comportement antisportif ; ou encore que l’agent Jorge Mendes avait coutume de faire appel à des prostituées pour faciliter les transferts de ses joueurs. Une plongée en profondeur dans les coulisses du ballon rond, dont on ne s’étonne même plus de les savoir pourries à ce point.

Quelques mois avant les « Football Leaks », une autre fuite massive de documents avait secoué la planète football : parmi les 11,5 millions de fichiers des « Panama papers » épluchés par 109 médias internationaux, dont Le Monde, on avait vu apparaître la société offshore de Michel Platini ainsi que celles de Lionel Messi, du propriétaire du FC Nantes, (Waldemar Kita) et de l’AS Monaco (Dmitri Rybolovlev), ou encore de l’ancien patron de l’Olympique de Marseille (Robert Louis-Dreyfus).

Dopage d’Etat, « Fancy Bears », corticoïdes

Maria Sharapova, lors de sa conférence de presse, le 7 mars 2016 à Los Angeles. | ROBYN BECK / AFP

2016 a par ailleurs confirmé que la lutte sans fin contre le dopage avait de bonnes chances de durer éternellement. Un bruit de fond s’est fait entendre tout au long de l’année, celui d’un dopage d’État en Russie, jusqu’à la publication du rapport McLaren le 9 décembre, dévoilant « de fortes preuves d’un dopage institutionnalisé entre 2011 et 2015 ». Plus de mille sportifs et trente disciplines sont concernés, tout comme le ministère des sports, l’agence antidopage et les services secrets russes.

Corollaire de ce dopage à très haut niveau, la mise en place d’un système de corruption au sein de la Fédération internationale d’athlétisme, que la fédération russe a grassement rémunérée en échange d’une « protection totale » de certains athlètes, comme le racontait Le Monde fin novembre.

Il n’a pas fallu attendre la fin de l’année pour parler dopage, puisque 2016 avait débuté par le quart d’heure de gloire du meldonium, et la suspension pour deux ans (ramenée à quinze mois) de la joueuse de tennis russe Maria Sharapova, coupable d’avoir ingéré cette substance interdite depuis le 1er janvier. De nombreux sportifs – de Russie ou d’anciennes républiques soviétiques pour la plupart – ont été sanctionnés, avant d’entrevoir la possibilité d’une amnistie, faute de données fiables sur le temps d’élimination du meldonium par l’organisme.

Le dopage a évidemment été de la partie lors des Jeux olympiques de Rio où, hormis la sauteuse en longueur Darya Klishina, aucun Russe n’était engagé sur les épreuves d’athlétisme – l’intégralité de la délégation russe a carrément été privée de Jeux paralympiques. Au total, douze athlètes (dont deux médaillés de bronze) sont exclus de la fête olympique pour avoir pris des substances interdites. Un chiffre étonnamment faible, qui s’explique peut-être par la gigantesque passoire à laquelle ressemblait le système antidopage mis en place au Brésil.

Avant, pendant et après Rio, il a surtout été question de dopage lors des Jeux… de Pékin (2008) et de Londres (2012), puisque les « retests » d’échantillons qui avaient été conservés ont révélé une centaine de contrôles positifs environ.

Par ailleurs, il a beaucoup été question de « dopage légal », à l’automne : on se remettait à peine des émotions olympiques que le groupe de hackers Fancy Bears étalait au grand jour des dizaines d’autorisations à usage thérapeutique (AUT), ces documents qui permettent à des sportifs d’utiliser des produits interdits pour raisons médicales. Si les AUT sont, par définition, autorisées, le nombre de sportifs y ayant recours pose question. Et l’Agence mondiale antidopage a pris un sale coup avec la publication de ces documents qu’elle est censée tenir secrets.

N’oublions pas l’affaire des corticoïdes qui a secoué le rugby français, après la découverte de traces de ces antidouleur chez trois joueurs majeurs du Racing 92, dont la star néo-zélandaise Dan Carter, lors de la finale du championnat de France au mois de juin. « Je ne vois pas où est le problème », affirmait Carter au Monde il y a deux mois.

Enfin, 2016 restera comme l’année où le vélo à moteur est officiellement entré dans l’histoire, avec le premier « contrôle positif » d’un engin à l’issue d’une course. La Belge Femke Van Den Driessche sera à jamais la première, après s’être fait pincer en janvier lors du championnat du monde Espoirs féminin de cyclo-cross à Zolder (Belgique). La jeune coureuse de 20 ans s’est défendue en affirmant que le vélo incriminé n’était pas le sien mais celui d’un ami, et que son mécanicien avait confondu. Elle a été suspendue six ans.

Pédophilie, hooliganisme, mensonge olympique

Vous n’aviez sans doute jamais entendu parler d’Andy Woodward lorsqu’il était footballeur, entre 1992 et 2002. Peut-être connaissez-vous désormais mieux cet ancien défenseur qui a raconté, mi-novembre au Guardian, comment il avait été victime de multiples abus sexuels dès l’âge de 11 ans, commis par l’un des plus célèbres recruteurs du pays, Barry Bennell. Ce témoignage a secoué le Royaume-Uni et en a entraîné d’autres, donnant au scandale des proportions gigantesques : au moins 55 clubs sont concernés par cette affaire ayant fait plus de 400 victimes.

L’année 2016 aura décidément été catastrophique pour le football anglais, qui a vécu l’humiliation d’une élimination par l’Islande en huitièmes de finale de l’Euro, la démission (après seulement un match) de celui qui était ensuite devenur sélectionneur, Sam Allardyce, victime de sa cupidité et d’un piège tendu par des journalistes, et le passage à tabac de plusieurs supporteurs de l’équipe nationale par des hooligans russes, avant la rencontre qui opposait les deux équipes à Marseille pendant l’Euro. Des images d’une violence rare, qui resteront comme le point noir d’un tournoi au cours duquel la sécurité, vu la période, était un enjeu majeur.

Le 11 juin 2016 à Marseille, jour du match Angleterre-Russie. | LEON NEAL / AFP

La place manque pour rendre hommage à tous les anti-héros de l’année sportive 2016, mais impossible de ne pas mentionner Ryan Lochte, auteur d’un fameux bobard à propos d’une agression dont lui et trois autres nageurs américains auraient été victimes en rentrant d’une soirée olympique à Rio – ils s’étaient en fait eux-mêmes comportés comme des sauvageons. Impossible aussi d’oublier Gianni Infantino, à peine désigné président de la FIFA après la tempête ayant emporté Sepp Blatter et Michel Platini, déjà épinglé pour son appât du gain, et par ailleurs cité dans les « Panama papers » pour des faits remontant à l’époque où il travaillait à l’UEFA.

Parmi les scandales de l’année, on pourrait aussi évoquer les arbitres des combats de boxe à Rio, virés par leur fédération internationale (AIBA) après plusieurs décisions ayant suscité des doutes quant à leur probité. On pourrait encore mentionner les contrats indécents signés en NBA grâce à l’explosion du montant des droits de diffusion – plus de 25 millions de dollars par an, dès la saison 2017, pour le Français des Utah Jazz Rudy Gobert ! On pourrait enfin revenir sur le fait que le Portugal soit devenu champion d’Europe en ayant fini troisième de son groupe, pratiqué un football à pleurer d’ennui, et battu la France en finale grâce à un but d’un joueur qui ne met pas un pied devant l’autre en Ligue 1. Mais c’est un autre débat.