Manifestation contre le président turc à Cologne, le 12 novembre 2016. | OLIVER BERG / AFP

Après les magistrats, les journalistes, les universitaires, les internautes turcs se retrouvent à leur tour dans le viseur des autorités d’Ankara. Selon un communiqué publié samedi 24 décembre par le ministère de l’intérieur, 10 000 utilisateurs des réseaux sociaux sont sous le coup d’une enquête, soupçonnés d’activités « terroristes », ou encore d’avoir « insulté » des responsables gouvernementaux.

Plus de 1 600 personnes accusées de s’être livrées à « l’apologie du terrorisme » ont été écrouées au cours des six derniers mois. La lutte contre le terrorisme sera menée « avec détermination », a martelé samedi le ministre de l’intérieur Suleyman Soylu.

Désormais, c’est systématique : les autorités restreignent l’accès aux réseaux sociaux dès qu’un événement violent – attentat, assassinat – survient quelque part dans le pays, au nom de la « sûreté de l’Etat ». L’accès à Twitter, YouTube ou ­encore Facebook a été ralenti après l’assassinat de l’ambassadeur de Russie à Ankara par un policier disant agir pour venger les victimes d’Alep, le 19 décembre.

L’usage de YouTube était également quasiment impossible après la publication, jeudi 22 décembre au soir, d’une ­vidéo dans laquelle l’organisation Etat ­islamique (EI) montrait l’immolation par le feu de deux soldats turcs capturés dans le nord de la Syrie, où l’armée turque combat l’EI et les milices kurdes aux côtés des rebelles syriens.

« Blocages répétés »

Malgré le silence des médias progouvernementaux sur cet épisode tragique, les commentaires ont fusé sur la Toile, sous la forme de manifestations de colère, d’aveux de tristesse et de compassion. Les geeks turcs ont donc eu vent de la vidéo, bien que le recours aux réseaux virtuels ou VPN, indispensables au contournement des restrictions d’accès à certains sites, s’avère de plus en plus difficile.

La liberté de s’informer en dehors des sentiers battus est de plus en plus restreinte, estime l’organisation Freedom House, financée par l’administration américaine. Son dernier rapport sur la liberté d’accès à Internet, publié le 15 novembre, place la Turquie dans la même catégorie que la Chine, la Russie, l’Iran, l’Arabie saoudite et l’Egypte, soit « non libre ». L’organisation pointe les « blocages répétés des médias sociaux » ainsi que les poursuites engagées contre certains internautes, « le plus souvent accusés de diffamer, à travers leurs critiques, les dirigeants et la religion ».

Les autorités ont ainsi réclamé à Twitter le blocage de 14 953 comptes durant les six premiers mois de 2016, soit avant le putsch raté du 15 juillet, lequel n’a fait que renforcer la volonté du président Recep Tayyip Erdogan de tout contrôler.