Le diplomate nord-coréen Thae Yong-ho à l’ambassade de Pyongyang, à Londres, en 2014. | KATIE SCHUBAUBR / AFP

Thae Yong-ho a débuté l’année 2016 à chanter les louanges de la Corée du Nord mais l’a terminée à dire tout le mal qu’il en pensait au fond de lui. De son poste de numéro deux à l’ambassade de la République populaire démocratique de Corée à Londres où il œuvra durant une décennie, ce diplomate avait l’avantage de pouvoir accéder à un Internet ouvert – une liberté impensable pour ses concitoyens. Il consultait chaque matin la page de l’agence de presse sud-coréenne Yonhap, et y lisait toutes les informations interdites au Nord.

Cette connaissance du monde extérieur le conduisit à « réaliser que le régime nord-coréen n’a pas d’avenir » et à faire défection en juillet, accompagné de sa femme et de ses deux fils, au cours d’une probable « opération clandestine conjointe entre la Corée du Sud et la Grande-Bretagne », selon Yonhap.

Depuis Séoul, mardi 27 décembre, l’ex-diplomate s’exprimait pour la première fois publiquement. Selon lui, Kim Jong-un veut une arme nucléaire opérationnelle « à tout prix avant la fin 2017 », une fenêtre opportune pour Pyongyang car la nouvelle administration à Washington prendra ses marques tandis que l’élection présidentielle est attendue à Séoul.

Mais M. Thae n’est pas expert du nucléaire et c’est plutôt sur le mode de vie des diplomates nord-coréens que son témoignage apporte une lumière inédite. M. Thae a expliqué que les cadres et leurs familles vivaient en groupe pour se surveiller dans les représentations diplomatiques.

Contrebande d’alcool

Un ambassadeur nord-coréen, a-t-il confié, gagne entre 900 et 1 100 dollars (entre 850 et 1 050 euros) par mois selon le pays. Un ministre-conseiller, son ancien statut, n’empoche que 700 à 800 dollars, une gageure dans une ville telle que Londres. « Tous les diplomates en poste à l’étranger trouvent des revenus d’appoint par tous les moyens possibles », a confié M. Thae.

Un autre transfuge avait déjà confié que certains diplomates se livrent notamment à la contrebande d’alcool. Ces affaires parallèles leur permettent d’arrondir leurs fins de mois mais aussi de faire entrer des devises étrangères dans les caisses d’un Etat sous sanctions internationales.

Autre difficulté dans ses fonctions : sa mission consistait à défendre le bilan du régime au Royaume-Uni face à des interlocuteurs qui « pour la plupart dénonçaient le système du Nord et remettaient en cause mes justifications ».

En août, la Corée du Nord avait traité Thae Yong-ho de « pourriture humaine », l’accusant de détournement de fonds publics, de cession de secrets d’Etat et d’agression sexuelle sur mineur. Il est le diplomate le plus haut placé à avoir fait défection depuis la fuite de l’ambassadeur en Egypte, parti pour les Etats-Unis en 1997.