Le président burundais, Pierre Nkurunziza, a annoncé vendredi 30 décembre qu’il pourrait à nouveau se représenter – pour un quatrième mandat – en 2020, « si le peuple le demande », laissant craindre que la crise née de sa réélection en 2015 pour un troisième mandat controversé ne se prolonge durablement.

Lors d’une séance de questions publiques à Rutana, dans le sud-est du pays, il a suggéré qu’il était prêt à réviser l’actuelle Constitution, dont l’article 96 prévoit que le chef de l’Etat « est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ». « Le peuple peut décider chaque fois qu’il le désire [de réformer] la Constitution », a indiqué M. Nkurunziza

« Comme nous sommes dans un pays régi par la loi et si le peuple dit qu’elle autorise quelqu’un à se représenter [à la magistrature suprême] sans violer la loi, si le peuple le demande, nous ne trahirons pas la confiance du pays, la confiance du peuple »

Le chef de l’Etat a reconnu avoir promis à l’occasion de sa réélection de ne pas se représenter en 2020. Mais cette décision avait été prise « en fonction de la conjoncture du moment », a-t-il argué.

Une crise meurtrière

Depuis la crise provoquée par l’annonce de la candidature de Pierre Nkurunziza, le 25 avril 2015, à un troisième mandat, les organisations burundaises de défense des droits de l’homme déplorent au moins 1 000 morts, 6 000 prisonniers, 20 000 disparus et 250 000 réfugiés recensés par les agences des Nations unies, sur une population de 10 millions d’habitants.

Des divergences sur l’interprétation de l’article 96 sont à l’origine de cette crise. M. Nkurunziza avait été élu une première fois par le Parlement en 2005, dans le cadre d’un mécanisme de sortie de guerre civile (1993-2006) prévu par l’accord d’Arusha (2000), puis une deuxième fois au suffrage universel en 2010.

Il considère donc que son premier mandat ne compte pas, ce qui l’a autorisé à se représenter fin avril 2015 à un troisième mandat, avant d’être réélu en juillet de la même année.
L’opposition, la société civile et une partie de son camp ont au contraire jugé ce troisième mandat contraire à la Constitution et à l’accord d’Arusha, précipitant le pays dans une grave crise qui perdure.

Des opposants exclus du dialogue

Pour légitimer sa révision de la Constitution, M. Nkurunziza entend aujourd’hui se baser sur un rapport récent du Conseil national du dialogue interne (CNDI), qui a affirmé qu’une majorité des participants à ce dialogue souhaitaient mettre un terme à la limite de deux mandats présidentiels.

Après la publication de ce rapport, le conseil des ministres avait décidé de créer une commission chargée de préparer une révision de la Constitution, conformément aux conclusions du CNDI.

Ce dialogue national exclut cependant une large partie de l’opposition intérieure et en exil, avec laquelle le gouvernement burundais refuse de discuter, malgré les pressions de la communauté internationale.

La révision constitutionnelle envisagée par M. Nkurunziza pourrait aussi mettre fin aux dispositions issues de l’accord d’Arusha, qui prévoient des quotas ethniques entre Hutus (85 % de la population) et Tutsis (14 %) pour les corps de défense et de sécurité (armée, police et services secrets), les postes électifs et la haute fonction publique.

L’opposition et la société civile burundaise craignent une révision « en profondeur » de la Constitution qui la ferait sortir du cadre de l’accord d’Arusha, lequel constitue selon elle le socle démocratique du Burundi.