Du repas au trépas... | Peo Quick/NordicPhotos

La magie de Noël ! C’est l’un des truismes qui fleurissent dans les médias quand la fin de l’année approche. Même les épidémiologistes se sont penchés sur les effets possibles de la période des fêtes de fin d’année sur la santé. Le constat pourrait doucher quelque peu les ardeurs de ceux qui se réjouissent de voir arriver la fin décembre : la mortalité d’origine cardiaque à cette période est la plus élevée de l’année (une hausse de l’ordre de 4 à 5 %), et ce que l’on soit dans l’hémisphère Nord ou Sud.

La confirmation est venue d’une étude de scientifiques australiens et néo-zélandais, publiée jeudi 22 décembre 2016 dans le Journal of the American Heart Association, qui aboutit à des résultats concordants avec ceux que des chercheurs avaient obtenus aux Etats-Unis et publiés exactement douze ans auparavant dans la revue Circulation.

En 2004, David Phillips (Université de Californie à San Diego) et ses coauteurs avaient utilisé la base nationale de données des certificats de décès pour les années 1973 à 2000. La période des fêtes de fin d’année était définie comme les deux semaines allant du 25 décembre au 7 janvier. Leur point de départ était le fait qu’à ce moment-là, « des millions d’Américains changent brutalement leur mode de déplacements, d’alimentation, de boisson, d’exercice physique, de travail et de vacances. Des changements à grande échelle qui pourraient affecter la mortalité cardiaque. »

Une hausse dans les deux hémisphères

Les chercheurs américains ont calculé le nombre de décès auxquels on pourrait s’attendre dans l’hypothèse où la mortalité de cause naturelle n’est en rien modifiée par la période des fêtes de fin d’année et ils ont comparé à cette référence le nombre de décès effectivement observés. Pendant la période des fêtes de fin d’année, la mortalité cardiaque était accrue de 4,65 % et la mortalité naturelle due à d’autres causes de 4,99 %. Une tendance qui s’accentuait avec le temps.

Les courbes faisaient apparaître une élévation du nombre de décès débutant aux alentours de Thanksgiving (la fête d’actions de grâce célébrée le quatrième jeudi du mois de novembre), connaissant un premier pic le 25 décembre et culminaient le jour de l’An. Pour expliquer un tel phénomène, David Philips et ses collègues ont d’abord voulu écarter un biais de confusion lié au facteur climatique. Fait notable, ces deux pics étaient retrouvés aussi bien dans les régions connaissant des hivers rigoureux que celles conservant des températures clémentes. Une étude précédente limitée au seul comté de Los Angeles écartait déjà la responsabilité des températures basses pour expliquer l’élévation des décès d’origine cardiovasculaire à ce moment de l’année.

La nouvelle étude conduite par Josh Knight (Université de Melbourne) et ses coauteurs s’est attachée à répliquer l’étude américaine dans le contexte de l’hémisphère Sud. Aux antipodes, les fêtes de fin d’année ont lieu pendant l’été, où les taux de décès sont habituellement à un point bas. Ces auteurs ont analysé les données officielles de Nouvelle-Zélande entre 1988 et 2013, ce qui représente un total de près de 740 000 décès, dont quasiment 200 000 étaient classés comme d’origine cardiaque.

« Décalage de la date de la mort »

Le constat est très proche de celui observé dans l’hémisphère Nord : une hausse de 4,2 % du nombre de décès d’origine cardiaque (hors des hôpitaux) par rapport au nombre attendu. Soit environ 4 décès supplémentaires par an. Le pic des décès (+ 4,5 %) est atteint au cours des deux semaines démarrant le 27 décembre. L’équipe australo-néozélandaise a pris le soin de vérifier ce qui se passait lorsqu’ils faisaient débuter la période le 23 décembre ou au contraire le 29 décembre : dans les deux cas, il n’y avait pas d’effet statistiquement significatif associé.

Pour tenter d’expliquer cet « effet Noël et jour de l’An », l’équipe américaine avait avancé une multitude de facteurs : délais inadaptés de recours à des soins médicaux, faiblesse des effectifs de soignants ou diminution de la disponibilité des professionnels de santé suivant habituellement les patients, stress émotionnel accru (visite de membres de la famille…), excès alimentaires et de boisson, problèmes respiratoires, températures plus froides, et « décalage de la date de la mort » avec un décès survenant plut tôt ou au contraire plus tard qu’attendu.

Pour les chercheurs de l’hémisphère Sud, beaucoup de ces facteurs ne sont pas convaincants, voire sont à écarter. David Phillips et ses collègues n’en retiennent que deux étant confortés par leurs données : le décalage de la date de la mort et les délais inadaptés de recours aux soins.

Bonnes fêtes !

La publication américaine de 2004 était accompagnée dans le même numéro de Circulation d’un éditorial de Robert Kloner, qui avait dirigé l’étude limitée au comté de Los Angeles. Le médecin de l’Université de Californie du Sud à Los Angeles avançait quelques suggestions à l’intention des professionnels de santé afin de tenir compte du phénomène qu’il baptisait « Joyeux Noël coronarien » et « Crise cardiaque de l’heureuse nouvelle année ». Elles incluent : conseiller aux patients de consulter sans délai en cas de symptômes cardiaques, les examiner soi-même plutôt que de les confier à des soignants qui ne les connaissent pas, doter suffisamment en personnel les services de soins intensifs et d’urgence.

Il recommande aux patients d’éviter les facteurs déclenchants de l’infarctus du myocarde (activité physique trop intense – comme déneiger à la pelle –, les excès alimentaires (notamment ceux de sel et d’alcool), le manque de sommeil, le stress émotionnel, les colères, les drogues illicites… Une adaptation du traitement d’une hypertension, d’un diabète, d’anomalies des lipides, sans oublier d’éviter le tabagisme peuvent également être pertinentes.

Cela dit, il n’est pas trop tard pour souhaiter de bonnes fêtes et un bon réveillon.