Spectacle sur Mezzo Concert à 20 h 30

Patricia Petibon sings French melodies (La Belle excentrique) 2014
Durée : 01:29:54

Patricia Petibon est une rouquine aux mines volontiers mutines et coquines. Mais la soprano colorature française la plus connue, avec Natalie Dessay, n’est pas qu’une « belle excentrique » – titre du spectacle qu’elle interprète, emprunté à une pièce pour piano à quatre mains d’Erik Satie, qui fut naguère le générique du « Petit Rapporteur » de Jacques Martin. Car elle a en elle d’immenses capacités de gravité et d’émotion.

Ceux qui l’ont vue sur scène incarner Lulu, d’Alban Berg, Constance des Dialogues des Carmélites, de Francis Poulenc, ou créer Au Monde (2014), de Philippe Boesmans, sur un livret du dramaturge Joël Pommerat, savent de quelle riche palette d’expressions elle sait témoigner. Elle a tellement de chien qu’elle est même capable d’aboyer impeccablement, comme on le verra dans le troisième tiers du spectacle…

Sa fantaisie excelle

La soprano fétiche du metteur en scène Olivier Py a d’ailleurs invité ce dernier à mettre en espace cette jolie couture de mélodies et chansons, accompagnée à merveille par la pianiste Susan Manoff. Au cours de la soirée, Py fait de surcroît quelques piquantes apparitions chantées en solo ou en duo. Patricia Petibon interprète des pages connues de Satie, Gabriel Fauré ou Reynaldo Hahn mais elle a retenu aussi cette Rêverie de Manuel Rosenthal, agrémentée de coups subtils de percussion qui rehaussent le délicat onirisme de la mélodie, un petit chef-d’œuvre moins connu que les Chansons du Monsieur Bleu – que Petibon a tout de même mises au programme de son spectacle et dans lesquelles sa fantaisie excelle.

Il y a aussi des chansons dites populaires – On s’aimera, de Léo Ferré, C’est un dur, de Vinci et Martinet, que chantait Fernandel, et Over the Rainbow, de Harold Arlen. D’ailleurs, leur coexistence avec les mélodies qu’on considère, de manière un rien restrictive, comme un genre de salon en font souvent les proches cousines. Satie était pianiste de cabaret et a écrit d’irrésistibles rengaines comme Je te veux ou l’inénarrable Allons-y Chochotte, recréée en duo avec Olivier Py.

Patricia Petibon | Electron Libre

Et Poulenc n’avait-il pas pensé à Maurice Chevalier en écrivant ses Chansons villageoises, dont Patricia Petibon interprète, d’entrée de jeu, Les Gars qui vont à la fête, d’esprit très « popu » ? Le même Poulenc adorait Yvonne Printemps, à qui il a destiné l’un de ses tubes, Les Chemins de l’amour, que Petibon chante divinement.

La Belle Excentrique est accompli avec beaucoup de fantaisie et de légèreté, et avec trois fois rien : une guirlande de fête foraine autour du parc des instruments présents sur la scène de la Salle Pleyel, les impayables mimiques de la chanteuse – et parfois celles de ses comparses musiciens, sans parler de leurs accessoires.

Les pages classiques sont parfois revisitées, ou colorisées, si l’on veut, par l’ajout de percussions notamment. Mais, là aussi, la touche est légère et fine. Et de courts interludes instrumentaux (ceux en particulier du subtil accordéoniste David Venitucci) ponctuent ce spectacle joliment et drôlement poétique.

La Belle Excentrique, réalisé par Franck Chaudemanche. Avec Patricia Petibon (soprano), Olivier Py (mise en espace et chant). (Fr., 2014, 90 min).