Peu après le début de l’attaque terroriste contre la boîte de nuit Reina à Istanbul, dans la nuit de samedi à dimanche, dans laquelle 39 personnes ont été tuées, Facebook a – comme c’est devenu en deux ans la norme – activé son dispositif « Safety check », qui permet à ses utilisateurs d’informer leurs proches qu’ils sont en sécurité.

Le « contrôle d’absence de danger », employé pour la première fois après un attentat – en l’occurrence ceux du 13 novembre 2015 en Ile-de-France – a depuis été activé à de multiples reprises après des attaques : Bruxelles, Berlin, Orlando, et Nice. Rien qu’en 2016, il avait été activé trois fois en Turquie avant la Saint-Sylvestre : le 17 février et le 13 mars à Ankara, après des explosions, et le 28 juin à Istanbul, après l’attaque contre l’aéroport Atatürk, qui avait fait 45 morts.

Le Safety check a pourtant peu de chances d’être efficace en Turquie : le pays bloque très régulièrement l’accès aux réseaux sociaux immédiatement après un attentat, empêchant la diffusion d’images de victimes ou de vidéos de revendications.

Aucun blocage n’a toutefois eu lieu après l’attaque du Reina, ce 1er janvier. Ankara privilégierait-elle désormais la diffusion d’informations – et l’utilisation d’outils comme le Safety check ? Rien n’est moins sûr, estime l’ONG Turkey Blocks, qui surveille les blocages de l’accès à Internet dans le pays.

« L’absence de blocage n’indique pas nécessairement qu’il y a eu un changement de politique, explique Alp Toker, fondateur de l’organisation. Il n’y a aucune transparence sur les critères ou les procédures utilisés pour déterminer si, et pour combien de temps, la Turquie limite l’accès à Internet après un attentat. »

Pour Turkey Blocks, l’heure est plutôt au durcissement qu’à l’assouplissement des blocages : « La Turquie a récemment mis en place des systèmes de blocage permanents des VPN [réseaux privés virtuels] utilisés par la population pour accéder aux sites bloqués et aux réseaux sociaux. »

Activation automatisée

Les attentats ne représentent qu’une petite partie des utilisations du Safety check, initialement conçu pour les catastrophes naturelles. En 2016, le dispositif a été activé plusieurs dizaines de fois pour des inondations, des incendies ou des séismes ; une montée en puissance qui répond à une demande des utilisateurs, mais qui est aussi, depuis la fin de l’année, due à une simplification de sa mise en place par le réseau social.

Jusqu’à 2016, le Safety check devait en effet être activé manuellement par les équipes de Facebook, qui prenaient la décision de le lancer ou non. Le processus a depuis été largement automatisé : des algorithmes détectent qu’un sujet de conversation est particulièrement actif, et Facebook demande alors à une petite partie de ses utilisateurs situés dans la zone concernée s’ils souhaitent que le Safety check soit activé.

Si les utilisateurs le demandent, et après un processus de « vérification par des tiers », sur lequel Facebook reste très discret, le dispositif est lancé. « Le safety check s’autorégule de cette façon », expliquait au Monde, en octobre, Peter Cottle, l’un des ingénieurs ayant conçu ce dispositif.

C’est par exemple de cette façon que le Safety check a commencé à se déployer à Munich, en Allemagne, après la fusillade qui a coûté la vie à neuf personnes, en juillet : « Nous n’avons plus besoin que Facebook regarde tous les paramètres avant de le déclencher, nous n’avons plus besoin d’évaluer l’échelle de l’événement. Tout ce que nous avons besoin de savoir, c’est que quelque chose de grave est arrivé à Munich et que des gens sont inquiets à propos de leurs amis. C’est là que le “safety check” se déploie. »

Premier problème majeur en décembre

Efficace et réactive, cette automatisation a aussi connu son premier « couac » majeur fin décembre. Le Safety check a été activé par erreur en Thaïlande, après l’explosion de pétards à Bangkok ce 27 décembre. Pendant environ une heure, une page Safety check évoquait une « explosion à Bangkok » et renvoyait vers des articles parlant de l’attentat qui avait frappé la ville… en 2015.

Facebook n’a pas donné d’explication sur les raisons qui ont pu pousser le Safety check à se déclencher de cette manière. L’entreprise a toutefois implicitement accusé une « tierce partie chargée des vérifications » d’avoir commis une erreur.