Benyamin Nétanyahou à son arrivée pour le conseil des ministres hebdomadaire, le 1er janvier 2017. | GALI TIBBON / AFP

Le dossier était sur le bureau du procureur général, Avichai Mandelblit, depuis des mois. Lundi 2 janvier, l’audition du premier ministre était considérée comme imminente par la presse israélienne. Benyamin Nétanyahou devait être interrogé par la police pour deux affaires de corruption, après l’ouverture d’une enquête criminelle par le procureur général fin 2016. Si les détails de la première affaire ont été progressivement publiés par les médias israéliens, les chefs d’accusation de la seconde restent mystérieux.

Dans le premier cas, Benyamin Nétanyahou aurait reçu des cadeaux et des faveurs de deux hommes d’affaires, dont l’un serait israélien. Pas d’argent liquide ni des transferts bancaires, mais pas non plus des présents « symboliques » ou « de moindre valeur », précisait dimanche matin le quotidien Haaretz. Au contraire, la police suspecte que le montant total de ces dons s’élève à des centaines de milliers de shekels.

« Il n’y aura rien »

L’enquête a commencé il y a neuf mois, coordonnée par les services de police et de renseignement. A partir de juin 2016, l’unité anticorruption Lahav 433 (l’équivalent israélien du FBI) a mené une cinquantaine d’interrogatoires, en veillant à ce qu’aucune information ne soit transmise aux médias. Elle a ainsi interrogé Ron Lauder, un riche homme d’affaires venu de New York pour les funérailles de l’ancien président israélien Shimon Pérès en septembre. Si le milliardaire juif américain a prétendu s’être montré généreux « par amitié » à l’égard de M. Nétanyahou et de sa famille, la police soupçonne que le montant des sommes dépensées ne soit plus élevé qu’annoncé.

A l’issue de ces auditions, et à la lumière de nouveaux documents, Avichai Mandelblit et le procureur d’Etat, Shai Nitzan, ont décidé de requalifier l’enquête préliminaire en criminelle afin de convoquer l’intéressé. Déjà le 12 décembre, selon la chaîne israélienne Channel 2, M. Mandelblit en avait informé le premier ministre, qui avait demandé d’attendre le retour de sa visite officielle au Kazakhstan et en Azerbaïdjan pour convenir d’une date.

L’interrogatoire, annoncé par la presse pour lundi, a été préparé à l’avance par l’Unité nationale antifraude, sous la direction de Shlomo Meshulam. Il était prévu que les réponses de M. Nétanyahou soient directement transmises aux bureaux de Lahav 433 pour être instantanément traitées, et pour faciliter la poursuite de l’interrogatoire.

Dimanche, en réunion de cabinet, M. Nétanyahou a une nouvelle fois nié les allégations émises contre lui, répétant qu’il « n’y aura[it] rien, parce qu’il n’y a rien ». Il a aussi conseillé aux représentants de l’opposition de « se calmer » ; la veille, Isaac Herzog, le chef du Parti travailliste, avait affirmé que les accusations de corruption avaient entamé l’image du premier ministre.

Une affaire « modeste »

En effet, des allégations similaires contre M. Nétanyahou ne sont pas nouvelles. En novembre 2016, le procureur général avait ordonné une enquête de police sur son rôle dans l’achat par le ministère de la défense de trois sous-marins allemands. La chaîne Channel 10 avait révélé un peu plus tôt que David Shimron, l’avocat personnel du premier ministre, faisait partie du conseil d’administration d’une filiale du constructeur allemand ThyssenKrupp. Ou encore en juillet, M. Nétanyahou avait fini par reconnaître avoir reçu de l’argent du magnat français Arnaud Mim­ran, condamné lui-même pour escroquerie.

Certains de ses proches croient à une conspiration pour le fragiliser. David Amsalem, député du Likoud (le parti de droite que dirige M. Nétanyahou), a réagi aux remarques de M. Herzog, en déclarant qu’il déposerait un projet de loi pour interdire les enquêtes sur un premier ministre en exercice.

Cependant, tempère Haaretz, cette dernière « affaire de dons et de bienfaits » reste « modeste » pour M. Nétanyahou, comparée à d’autres dans lesquelles ont été impliqués certains de ses prédécesseurs. Pour n’en citer qu’une, celle du Holyland en 2010, un scandale immobilier dans lequel Ehoud Olmert aurait touché des pots-de-vin lorsqu’il était maire de Jérusalem entre 1993 et 2003. Inculpé pour corruption, il fut condamné à six ans de prison, avant que sa peine ne soit réduite à dix-huit mois, sur décision de la Cour suprême en décembre 2015. – (Intérim.)