Le siège de la banque Monte Dei Paschi di Siena, à Sienne (Toscane). | GIUSEPPE CACACE / AFP

Il y a quelques semaines encore, l’Italie espérait régler la délicate situation de Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS) avant les fêtes. Las, 2017 commence avec un regain de tensions autour du sauvetage de la quatrième banque du pays, en proie à des turpitudes financières depuis des mois.

Alors que les marchés attendent que BMPS publie un nouveau plan stratégique – ce qui pourrait prendre deux à trois mois –, le ton est monté ces derniers jours entre Rome et le superviseur bancaire unique, logé au sein de la Banque centrale européenne (BCE).

Le gouvernement italien reproche à ce dernier d’avoir fixé à 8,8 milliards d’euros les besoins en capitaux de la banque, contre 5 milliards estimés jusque-là. Et ce, dans deux courriers envoyés au ministère des finances et de l’économie pendant le week-end de Noël.

« Je ne suis pas vraiment habitué, mais j’ai été frappé de voir arriver des nouvelles ex abrupto le jour de Noël », s’est étonné Paolo Gentiloni, le nouveau chef du gouvernement italien, jeudi 29 décembre. Il aurait été « utile, pour ne pas dire aimable, de la part de la BCE de fournir quelques informations supplémentaires sur les critères à la base de cette nouvelle estimation », s’est agacé, de son côté, le ministre des finances, Pier Paolo Padoan, dans une interview donnée au quotidien économique Il Sole 24 le même jour.

Des faiblesses révélées fin juillet

Si la BCE ne commente pas ces informations, une source européenne rappelle que cela fait des mois que le superviseur bancaire demande à Rome d’agir pour renforcer la banque toscane, plombée par les mauvaises dettes et chahutée sur la Bourse de Milan depuis début 2016.

Les choses se encore sont accélérées fin juillet, lorsque les tests de résistance menés par l’Autorité bancaire européenne ont révélé les faiblesses de BMPS. Dans la foulée, l’établissement, fondé en 1472, a dévoilé un plan de sauvetage prévoyant une augmentation de capital jusqu’à 5 milliards d’euros, la cession de ses créances douteuses, la suppression de 2 600 postes et la fermeture du quart de ses agences.

Mais ce plan n’a pas vraiment emballé les investisseurs privés, si bien que le 22 décembre, la banque a jeté l’éponge : elle n’a pas réussi à lever les 5 milliards d’euros espérés… Un échec aux conséquences potentiellement douloureuses. Pour éviter que BMPS ne tombe sous le coup des règles européennes (le « bail in »), exigeant que les actionnaires et gros créanciers privés soient mis à contribution en priorité pour renflouer l’établissement, l’Etat italien s’est décidé à emprunter 20 milliards d’euros sur les marchés. Une enveloppe destinée à soutenir le secteur, dont en priorité BMPS, par une recapitalisation préventive.

Deux milliards pour les petits épargnants

Car le dossier est potentiellement explosif : une partie des créanciers de BMPS sont des petits épargnants à qui la banque a vendu des obligations subordonnées, des titres normalement réservés à des investisseurs avertis. « L’application des règles européennes en ruinerait des milliers : un scénario politiquement inacceptable pour Rome », rappelle Eric Dor, économiste à l’Iéseg.

Mais alors, d’où sortent les 8,8 milliards avancés à Noël par la BCE ? Voulant faire œuvre de pédagogie, la Banque d’Italie a publié un communiqué, jeudi 29 décembre, pour l’expliquer. Si elle avait réussi à attirer les investisseurs privés, BMPS aurait bien eu besoin de 5 milliards d’euros. Mais la recapitalisation préventive sur les deniers publics modifie les règles de calcul des besoins de fonds propres.

Selon la banque centrale, le gouvernement devra fournir 6,6 milliards d’euros, dont 2 milliards d’euros pour indemniser les petits épargnants. « La note finale sera donc pour les contribuables italiens », souligne Lorenzo Codogno, ex-économiste en chef du Trésor italien et professeur à la London School of Economics, dans une note sur le sujet. Les 2,2 milliards d’euros restants seront à la charge des autres créanciers institutionnels, qui verront leurs obligations converties en actions, à 75 % de leur valeur nominales.

Cela suffira-t-il à remettre BMPS sur pied ? Une chose est sûre : côté européen, certains regrettent que Rome ait tant tardé à agir. En outre, il faudra des années encore pour assainir l’ensemble du secteur bancaire italien, encombré de près de 360 milliards d’euros de créances douteuses.