François Chérèque, à Paris le 12 juillet 2015. | LOIC VENANCE / AFP

Editorial du « Monde ». Unanime, le monde politique et syndical a rendu hommage à François Chérèque, décédé lundi 2 janvier à l’âge de 60 ans. De François Hollande, qui a salué « un homme dont le courage a éclairé l’action », à François Fillon, les éloges se sont multipliés. Même le Front national n’a pas hésité à joindre sa voix à ce concert, alors que, pendant ses trente-cinq années de militantisme, l’ancien secrétaire général de la CFDT a été un adversaire résolu de l’extrême droite.

Au-delà des qualités de ce grand syndicaliste et des combats qu’il a menés avec conviction, c’est le réformisme de son action qui a été célébré à l’heure où nombre de politiques sont tentés de dresser le constat de son échec.

François Chérèque a adhéré à la CFDT en 1978, au moment même où la centrale opérait son recentrage en cessant de faire du changement politique le préalable à tout changement social et en réhabilitant la négociation et la recherche du compromis pour faire bouger la société. Pendant ses dix ans à la tête de la CFDT, de 2002 à 2012, il a inscrit ses pas dans ceux de ses prédécesseurs – Edmond Maire, Jean Kaspar, Nicole Notat – et ancré solidement son syndicat dans ce qu’il a appelé lui-même la « révolution réformiste ».

Il a pris des risques, quitte à provoquer en 2003, quand il a cautionné la réforme des retraites de Jean-Pierre Raffarin, une grave crise interne, mais il n’a jamais dévié de sa route. Dans un pays où une minorité de salariés sont syndiqués, François Chérèque s’est laissé guider par une seule boussole, celle de montrer l’utilité du syndicalisme.

« Un compromis n’est pas un renoncement »

S’appuyant sur le triptyque « négociation-compromis-résultats », l’ancien secrétaire général de la CFDT a perdu des batailles, comme celle menée contre la réforme des retraites en 2010, mais il a aussi remporté des victoires, la plus symbolique étant d’avoir changé l’image du syndicalisme. François Chérèque a démontré que syndicalisme ne rimait pas toujours avec immobilisme. Face à la CGT et à FO qui ont souvent été dans le camp de la défense à tout prix des acquis, il a incarné un syndicalisme soucieux d’engranger, pas à pas, des progrès sociaux, même limités, et pour lequel « un compromis n’est pas un renoncement ».

Cette démarche très sociale-démocrate, poursuivie par son successeur, Laurent Berger, a amené la CFDT à renforcer le rôle du contrat par rapport à la loi et à être le premier signataire d’accords dans les entreprises. Rien d’étonnant si la centrale s’est retrouvée en phase avec la volonté de François Hollande, mise à mal lors du débat sur la loi travail, de rehausser la place de la démocratie sociale.

Comme naguère Michel Rocard sur le plan politique, François Chérèque a livré une leçon de réformisme. Soucieux de défendre les invisibles, les précaires qui « servent de bouclier social aux salariés les plus stables », il a montré que, dans une société fracturée par le chômage et les inégalités, et où l’extrême droite est en embuscade, la réforme ne pouvait être menée à la hussarde.

A ses yeux, la négociation n’était jamais une perte de temps, mais une méthode garantissant la réussite et l’acceptation d’une réforme mieux qu’à coups de recours à l’article 49.3, comme l’a fait Manuel Valls, ou aux ordonnances, comme le promet M. Fillon. Le réformisme de la CFDT devrait lui permettre de ravir à la CGT, en mars, la première place sur l’échiquier syndical. Ce résultat sera à porter au crédit de François Chérèque.