La ville côtière de Béjaïa, en Kabylie, est le théâtre depuis lundi 2 janvier d’un violent mouvement de contestation, mené par des jeunes qui s’en sont pris à des bâtiments publics, à des magasins et ont affronté les forces de l’ordre. Si les motivations de ces troubles restent confuses, ils s’inscrivent dans un contexte d’inquiétude croissante liée à la chute des prix du pétrole qui impacte durement la situation économique de l’Algérie.

Les violences de Béjaïa ont éclaté le jour où avait été lancé un appel à la grève des commerçants afin de protester contre des hausses de taxes prévues par la loi de finances 2017 entrée en vigueur le 1er janvier. Etranglé par la baisse du prix du brut, sa principale ressource, le pays est en effet contraint de revoir son budget. Le gouvernement tente de diminuer ses dépenses et d’accroître ses recettes, notamment en augmentant les taxes.

Diffusion virale sur les réseaux sociaux

Selon le site Tout sur l’Algérie (TSA), la manifestation commencée pacifiquement dans la matinée aurait ensuite tourné à l’affrontement entre des jeunes et des forces de police, puis à la casse de plusieurs édifices publics et de commerces. Les vidéos du saccage d’un bus d’une compagnie de transport public locale et des pillages de magasins ont connu une diffusion virale sur les réseaux sociaux. Plusieurs autres localités des environs ont aussi connu des tensions.

Dans ce climat, certains habitants ne cachaient pas leur inquiétude de voir se répéter les événements de 2001, lorsque la Kabylie, théâtre d’un vaste mouvement de contestation, avait été violemment réprimée par le pouvoir. Mais le ministre de l’intérieur, Nourredine Bedoui, a joué l’apaisement, déclarant que les « services de sécurité contrôlaient la situation à Béjaïa » et que l’Etat algérien « garantissait le pouvoir d’achat des citoyens ». Le défi premier et majeur en 2017 pour l’Algérie sera de préserver sa sécurité et sa stabilité face aux menaces terroristes ».

Le même jour, des troubles étaient signalés dans plusieurs quartiers d’Alger. A Bab Ezzouar (est), des adolescents ont attaqué le quartier chinois, selon le quotidien Al-Khabar. Ce sont les habitants algériens du quartier qui ont pris la défense des commerçants chinois en chassant à coups de gourdin les assaillants. Un début d’émeutes a également été enregistré au niveau du quartier populaire d’Ain Benian (ouest ), mais ces mouvements sont restés très marginaux dans la capitale algérienne.

« Du pain bénit pour le pouvoir »

La soudaineté des échauffourées de Béjaïa a en tout cas soulevé de nombreuses questions sur leur origine, renforcées par l’opacité qui a entouré l’appel à la grève des commerçants. Celui-ci a été lancé de manière anonyme et relayé sur les réseaux sociaux, mais sans qu’aucune organisation ne s’en réclame, ce qui n’a pas manqué d’alimenter les spéculations de manipulation. L’Union des commerçants (UCGCA), qui a nié être à l’origine, a même dénoncé, lundi, des « menaces » contre des commerçants pour les contraindre à fermer boutique.

Confrontés aux violences de Béjaïa, des militants politiques ne cachaient pas leur dépit : selon eux, les images de destruction et de pillages diffusées sur les réseaux discréditent d’avance toute contestation dans la rue. Du « pain bénit pour le pouvoir », souligne un militant des droits de l’homme. La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) a déploré un « dérapage » et souligné que la grève avait été une « réussite ». Mardi 3 janvier, des tensions étaient toujours signalées dans plusieurs localités de la wilaya (région) de Béjaïa.