Marine Le Pen sur la Place rouge, à Moscou, en mai 2015. | KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

La nouvelle ne pouvait plus mal tomber, à l’heure où le Front national est lancé dans une quête tous azimuts de financements pour ses campagnes électorales du printemps 2017. L’Agence d’assurance des dépôts bancaires russes (ASV) réclame au parti de Marine Le Pen le remboursement du prêt de 9 millions d’euros accordé en septembre 2014 par la First Czech-Russian Bank.

Après la faillite de l’établissement bancaire, mi-2016, l’ASV a récupéré la gestion de cette créance. Le 26 décembre, cette autorité administrative a indiqué à l’agence de presse russe RNS avoir lancé une procédure judiciaire pour obtenir le remboursement, sans préciser quand celle-ci avait débuté. Passée inaperçue, cette nouvelle a été reprise début janvier par la presse économique russe.

Contactée par Le Monde, l’ASV n’a pas commenté ces informations. Difficile à dire dans quelle mesure la décision de cette autorité administrative, théoriquement indépendante mais placée sous la tutelle de la Banque de Russie, relève d’un simple automatisme procédurier ou si elle a fait l’objet d’une validation politique.

« Il n’y a aucune raison que le contrat bouge »

Selon un spécialiste du milieu bancaire russe, « il s’agit d’une mesure normale d’assinissement de la banque : l’ASV doit rembourser les déposants et cherche donc à recouvrer les créances ». Mais un autre expert estime de son côté que l’ASV « aurait très bien pu choisir d’enterrer le dossier, si elle avait reçu des consignes politiques en ce sens. Or, elle a choisi de contester les conditions du remboursement de la créance. »

« Il y a des problèmes juridiques là-bas, concède Wallerand de Saint-Just, trésorier du Front national, informé par Le Monde du lancement de la procédure judiciaire. Mais tout a été pris en main par l’Etat russe et Il n’y a aucune raison que le contrat bouge. » Selon M. de Saint-Just, le Front national est censé rembourser l’entièreté de son prêt d’un seul bloc en septembre 2019 et « paie les intérêts de façon régulière chaque trimestre ».

En novembre 2014, après des révélations du site Mediapart, le Front national avait expliqué s’être tourné vers la Russie pour obtenir des financements, à un taux d’intérêt de 6 %, après les refus « d’un grand nombre de banques françaises et de banques européennes ».

En avril 2015, des conversations piratées de responsables du Kremlin posaient la question d’un arrière-plan politique à ces transactions financières, les intéressés évoquant la façon dont Marine Le Pen devait être « remerciée » pour son soutien à l’annexion de la Crimée, en mars 2014. Le 3 janvier, Mme Le Pen a de nouveau estimé sur BFM-TV que cette annexion n’était pas « pas illégale ».

La question du remboursement de ce prêt – ainsi qu’un autre de 2 millions d’euros accordé au micro-parti de Jean-Marie Le Pen – a également posé question, notamment après le retrait de sa licence à la First Czech-Russian Bank, le 1er juillet. La FCRB, 126e établissement bancaire russe, avait alors un trou de près de 500 millions d’euros dans ses comptes (4,1 milliards de roubles d’actifs contre 31,8 milliards de passif).

La semaine passée, le Front national a démenti chercher en Russie de nouveaux financements à hauteur de 27 millions d’euros, en réponse à un article du Canard enchaîné. Ce qui n’empêche pas le parti de Marine Le Pen de continuer à chercher un prêt dans le monde entier, y compris en Russie.