Un garde-frontières birman surveille la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh, le 15 octobre 2016 dans l’Etat de l’Arakan. | YE AUNG THU / AFP

Le Bangladesh est mal à l’aise. Pays à 90 % musulman, il affiche une solidarité des plus tièdes à l’égard des Rohingya musulmans persécutés, renvoyant parfois, au mépris même des lois internationales, des bateaux de réfugiés venus de Birmanie. Avec une population de 160 millions d’habitants et une densité parmi les plus élevées au monde, le « pays des Bengalis » est peu désireux d’accueillir sur son territoire des étrangers qui vont restreindre encore un peu plus son espace vital.

Une série de migrations forcées pour cause de répression birmane avait déjà, avant l’afflux de cet hiver 2016, contraint les musulmans des districts du nord de l’Etat de l’Arakan à se réfugier au Bangladesh voisin : en 1978, ils avaient été nombreux à traverser le fleuve Naf qui, à l’extrême sud du Bangladesh, sépare les deux pays. En 1992 déjà, ils furent 250 000 à se réfugier dans le district de Cox’s Bazar, où ils arrivent également aujourd’hui. Certains sont repartis ensuite, d’autres sont restés. Au point que, si les camps gérés conjointement par les Nations unies et le gouvernement bangladais abritent 32 000 réfugiés dûment « enregistrés », plus de 500 000 Rohingya illégaux sont venus, au fil du temps, gonfler la population de ces camps. Depuis presque trois mois, le flux de réfugiés venus de Birmanie est continu : une cinquantaine de milliers d’entre eux seraient arrivés à ce jour.

Aide d’urgence

La première ministre, Sheikh Hasina, a déclaré devant le Parlement le 7 décembre 2016 que son pays « ne peut pas ouvrir ses portes à des vagues de migrants ». Ajoutant cependant que, pour des « raisons humanitaires », le Bangladesh était prêt à « aider temporairement » les réfugiés déjà présents. « Les gens d’ici n’aiment pas trop les Rohingya, explique Moinuddin, un journaliste local. Leur présence alimente la prostitution, le trafic de drogues et d’êtres humains. »

Il semble que le gouvernement bangladais se montre désormais plus conciliant, ne renvoyant pas systématiquement les bateaux de réfugiés et les laissant bénéficier d’une aide d’urgence.

Dans le district de Cox’s Bazar, le long de la route surplombant la large rivière qui se jette dans le golfe du Bengale, là où le sous-continent indien cède la place à l’Asie du Sud-Est, erre une colonne de réfugiés fraîchement arrivés au Bangladesh. Tristes cohortes de femmes en burqa, d’autres la tête couverte d’un simple châle, des bébés dans les bras. Dans un camp, Abdul Hafez, un Rohingya de 35 ans, s’interroge sur le singulier destin de son peuple : « En Birmanie, nous ne sommes pas birmans, ici, nous ne sommes pas bangladais. Qui sommes-nous ? »