Bastien Bonnefous, journaliste au service politique du Monde, a répondu aux questions des internautes sur les programmes des candidats à la primaire à gauche.

Théo : L’absence de sondage et la précipitation de la campagne peuvent-ils jouer en la faveur d’un candidat ? Autrement dit, ceux qui sont en campagne depuis plusieurs mois ont-ils plus de chances de l’emporter ?

Bastien Bonnefous : Montebourg et Hamon, qui font campagne depuis l’été, veulent le croire, mais rien ne l’indique pour l’instant. Valls et Peillon qui se sont lancés tard, peuvent en pâtir, comme ils peuvent en profiter alors que les Français commencent à peine à s’intéresser à cette élection. Les débats télévisés devraient cette fois être très importants pour que les électeurs se déterminent.

brautigan : A-t-on une idée du rapport de force entre les candidats ? Notamment du poids de Vincent Peillon ?

Difficile de répondre clairement à cette question. Mais c’est justement cette forme d’incertitude qui règne actuellement, qui rend la primaire des 22 et 29 janvier intéressante. A ce stade, chaque candidat a ses forces et ses faiblesses.

Manuel Valls a l’expérience de l’Etat, il a aussi le soutien de beaucoup de figures importantes au sein du gouvernement, de la majorité et du PS, il est connu et identifié par les Français, etc. En revanche, sa candidature tardive peut compliquer les choses pour lui, surtout si certaines de ses propositions peuvent donner le sentiment qu’il se contredit par rapport à ses positions quand il était premier ministre.

Montebourg et Hamon sont en campagne depuis plus longtemps. Ils ont eu le temps d’installer certaines de leurs propositions, mais ils souffrent toujours d’un déficit de crédibilité. Vincent Peillon, lui, est un candidat surprise, arrivé très tard dans la primaire, qui est soupçonné d’avoir surtout des visées politiques internes au PS : empêcher Valls de l’emporter pour tenter de mettre la main ensuite sur le parti.

Il n’y a pas eu encore de sondage sérieux réalisé avec les candidats définitifs à la primaire. Même si les sondages ne sont jamais une information à prendre seule et telle quelle, ils peuvent néanmoins donner une indication sur le rapport de forces entre les candidats. C’est pourquoi les débats télévisés à partir du 12 janvier devraient être très importants : ils vont permettre aux Français de se faire une idée plus précise sur les propositions des candidats, sur leurs personnalités, leurs styles, etc.

Francis : Je ne comprends pas pourquoi on lit en ce moment qu’il n’y a pas de favori à la primaire, alors que Valls a toujours été crédité de plus de 40 % au premier tour… S’agit-il de pincettes inhabituelles que prendraient les journalistes à la suite des événements de 2016 (Brexit, élection de Trump, victoire surprise de Fillon) ?

Il y a sans doute de cela, oui. Mais les sondages dont vous parlez datent des mois d’octobre ou de novembre, ou de début décembre. A l’époque, tous les candidats à la primaire n’étaient pas connus (notamment Peillon), et surtout plusieurs de ses sondages plutôt favorables à Valls avaient été réalisés alors que François Hollande n’avait pas encore annoncé qu’il abandonnait.

Valls était-il haut pour illustrer le fait que les sondés ne voulaient pas d’une candidature Hollande ? Maintenant que Hollande a renoncé, Valls va-t-il rester haut, va-t-il baisser, ou va-t-il encore monter ? Les prochains sondages, qui devraient être réalisés avant le premier débat du 12 janvier, le diront.

Paola : Qu’est-ce qui différencie les programmes de Montebourg et de Hamon ? Tous deux ont des propositions très à gauche, non ?

Les propositions des deux peuvent en effet apparaître comme plus à gauche que celles d’autres candidats à la primaire. Mais Arnaud Montebourg et Benoît Hamon estiment avoir des divergences sur plusieurs points majeurs. Pour Hamon, Montebourg reste encore trop favorable à un modèle productiviste, et industriel sur le plan économique, et trop souverainiste sur les sujets européens. Lui, au contraire, plaide pour un nouveau modèle de développement, qui tienne davantage compte des urgences écologistes, des bouleversements du monde du travail que va provoquer selon lui la révolution du numérique, etc.

Si on devait résumer peut-être un peu grossièrement, Montebourg incarnerait une gauche dans la tradition de la « première gauche », alors que Hamon incarnerait davantage une forme de « deuxième gauche » (l’une et l’autre différentes de celles qui animaient le PS des années 1970 et davantage adaptées aux enjeux de notre époque).

Un sujet illustre bien leurs divergences : le revenu universel d’existence. Hamon le défend fortement, expliquant qu’il est indispensable car il faut se préparer à travailler moins ou différemment dans les années qui viennent. Montebourg estime, au contraire, qu’un tel revenu est une forme d’acceptation du chômage de masse, qui, en plus d’être difficile à mettre en place, n’inciterait pas forcément les non travailleurs à retrouver un emploi.

Belineen : Les programmes connus des candidats à la primaire sont-ils plus proches ou plus éloignés de ceux des candidats en 2012 ?

Parmi les candidats à la primaire de 2017, seuls Manuel Valls et Arnaud Montebourg étaient déjà candidats à celle de 2012. Je ne peux donc pas répondre pour les autres. En 2012, Montebourg défendait surtout la « démondialisation ». S’il ne reprend plus ce terme aujourd’hui, ses positions actuelles sur le « made in France », sur la politique de relance par l’investissement, sur le bouleversement nécessaire de l’Europe, sont dans la lignée de son programme de 2011.

Manuel Valls, en revanche, s’est davantage recentré en 2017 par rapport à 2011. En 2011, il était un candidat plus marginal, plus identifié à l’aile droite du PS, qui proposait de revoir les 35 heures, de faire une sorte de TVA sociale, qui assumait des positions que l’on qualifie généralement de libérales à gauche. Aujourd’hui, il a forcément changé. Le quinquennat est passé par là, le fait aussi qu’il ait été premier ministre. Il souhaite aujourd’hui incarner davantage un point d’équilibre au sein du PS. Même s’il y a toujours des différences, ses propositions comme son positionnement en 2017 rappellent davantage ceux de François Hollande en 2011.

hellodu75 : Y a-t-il des candidats favorables à la décroissance ?

Il n’y a pas de candidat favorable à ce que l’on appelle la décroissance. Mais Benoît Hamon est celui parmi les candidats de la primaire qui remet en cause « le dogme de la croissance », selon ses propres termes. Pour le dire vite, il estime que la croissance ne reviendra plus en France comme lors des décennies précédentes, et que c’est la raison pour laquelle il faut inventer un nouveau modèle de développement qui ne repose plus uniquement sur la valeur du produit intérieur brut.

Les autres principaux candidats (Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Vincent Peillon) considèrent en revanche que le retour à une croissance plus forte est toujours possible. S’ils proposent des solutions différentes selon les sujets économiques, budgétaires, financiers, ils ne remettent pas en cause le cadre général.

Eve : Sait-on quel candidat Ségolène Royal soutient-elle ? Y a-t-il eu un sondage auprès des adhérents de Désirs d’avenir ?

Je ne crois pas qu’il y ait eu un sondage auprès des adhérents de Désirs d’avenir ou de ce qu’il en reste. A ce stade, Ségolène Royal n’a pas pris parti pour un candidat donné. En revanche, elle a eu déjà plusieurs fois des propos critiques envers Manuel Valls, ce qui peut laisser penser qu’elle ne devrait pas le soutenir.

En dehors de la primaire, elle a eu également des mots plutôt aimables envers Emmanuel Macron, sans dire pour autant qu’elle envisageait de le soutenir.

Pierre : M. Hamon est-il le seul candidat de la primaire à gauche à proposer de reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle ?

A ma connaissance, oui.

Leslie Knope : Sera-t-il possible de voter par procuration à la primaire ?

Il ne sera pas possible de voter par procuration pour des raisons de sécurité du vote. Seuls les Français résidant à l’étranger pourront voter par voie électronique. Tous les autres devront se déplacer dans les bureaux de vote mis en place par le PS. Le dispositif est à l’identique de celui mis en place par la droite pour sa primaire fin novembre 2016.