Vitamine D : faut-il se méfier de l’Uvestérol D ? | LE MONDE

Une procédure de suspension de la commercialisation de l’Uvestérol D a été engagée après la mort d’un nourrisson, a annoncé, mercredi 4 janvier dans un communiqué, la ministre de la santé, Marisol Touraine.

Cette décision a été prise par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) « par mesure de précaution », a précisé Mme Touraine. Un nourrisson âgé de dix jours est mort le 21 décembre après avoir reçu une dose d’Uvestérol D, un médicament très courant utilisé contre la carence en vitamine D.

« Je souhaite rassurer les parents qui ont donné de la vitamine D, sous quelque forme que ce soit, à leurs enfants : ils ne courent aucun danger », a déclaré Mme Touraine, précisant : « Seul l’Uvestérol D est concerné par cette procédure, pas les autres spécialités à base de vitamine D. »

« Mais je leur demande, à titre de précaution, d’arrêter le traitement par Uvestérol D », a-t-elle ajouté. « Je leur garantis une information transparente, objective et fiable. Et je mets tout en œuvre pour leur proposer, en lien avec les professionnels de santé, une solution alternative. »

« C’est le mode d’administration spécifique du produit qui présente des risques [et non la vitamine D] », selon la ministre. La vitamine D étant essentielle pour le développement des nourrissons, elle « appelle les familles à se rapprocher de leur professionnel de santé, qui leur proposera de la vitamine D sous une autre forme ».

« Les recommandations pour les professionnels de santé leur seront adressées dans la journée », a assuré Mme Touraine, qui mettra en place « dans la matinée un numéro vert d’information, joignable au 0800-636-636 ».

Malaise vagal

La mort du nourrisson n’a pas été immédiatement rendue publique. Elle a été révélée lundi 2 janvier par Le Figaro. Selon le quotidien, le directeur général de la santé, Benoît Vallet, avait été informé du décès le jour même, tout comme l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui l’aurait appris « de manière informelle », mais n’aurait demandé de plus amples informations que le 27 décembre.

L’ANSM avait assuré lundi que « des investigations [étaient] en cours pour déterminer les causes exactes du décès et savoir s’il est susceptible d’être imputé à l’Uvestérol D. Depuis 1990, date de la mise sur le marché de l’Uvestérol D, aucun décès n’a été imputé à l’administration de ce produit ».

Depuis onze ans, des responsables de la pharmacovigilance ont régulièrement questionné la pertinence de laisser sur le marché une prescription pour laquelle une dizaine de cas de malaise vagal ou de fausse route alimentaire sont signalés chaque année. Ils ont réclamé à plusieurs reprises une suspension de l’Uvestérol.

Dans son communiqué publié lundi, l’ANSM expliquait s’être saisie du dossier depuis 2006 : « Après le constat d’effets indésirables liés à son administration, l’Uvestérol D fait l’objet depuis 2006 d’une surveillance renforcée de la part des autorités sanitaires (…). Des mesures de réduction du risque ont été mises en place. »

Précautions

Donner de la vitamine D pour contrebalancer la fréquente carence en cette substance indispensable à la croissance et à la consolidation des os est une pratique de routine. Plusieurs formes de vitamine D sont disponibles, mais l’Uvestérol D (laboratoires Crinex) a la forme d’une solution huileuse qui nécessite des précautions. Après plusieurs malaises en 2006, l’ANSM avait rappelé aux professionnels de santé de suivre scrupuleusement les protocoles d’administration, et le fabricant avait changé la pipette pour éviter une administration trop rapide.

De nouvelles formules et présentations d’Uvestérol avaient été mises à disposition par les laboratoires Crinex en novembre 2014, en réponse aux demandes de l’ANSM, notamment en diminuant le volume à administrer en augmentant la concentration de la solution et en modifiant en conséquence les pipettes graduées.

La Commission nationale de pharmacovigilance (CNPV) a de nouveau examiné le dossier en juillet 2016, mais le compte rendu de cette réunion n’a toujours pas été rendu public. Après avoir appris la mort du nourrisson à la fin de décembre, les responsables de plusieurs centres régionaux de pharmacovigilance avaient demandé la suspension de la mise sur le marché de l’Uvestérol.

Vitamine D : faut-il se méfier de l’Uvestérol D ?
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