Mini-série sur Numéro 23 à 20 h 55

Know Your Roots: LeVar Burton & Malachi Kirby | History
Durée : 02:47

On peut comprendre qu’un rappeur américain comme Snoop Dogg s’exaspère et vitupère contre une nouvelle adaptation de Racines, la série qui marqua une étape dans la culture américaine, en 1977, pour s’être colletée, pour la première fois à la télévision, à l’histoire de l’esclavage – retenant devant l’écran près de la moitié du pays, et remodelant le grand récit national sur la fondation des Etats-Unis.

Ras le bol des fictions qui se réfugient dans le passé pour évoquer le racisme et les malheurs subis par les Afro-Américains, explique Snoop Dogg, en termes plus grossiers. Tous ces abus sont encore et toujours d’actualité ! Pourquoi pas, plutôt, une série sur la réussite des Noirs ? Parlons d’aujourd’hui, de notre réalité et de ceux qui peuvent nous inspirer. « Fuck that old shit », conclut-il.

A quoi Anika Noni Rose, une des actrices principales de la version 2016 de Racines, répond indirectement, lorsqu’elle évoque l’esprit qui a prévalu pour cette nouvelle adaptation télévisée du best-seller Roots d’Alex Haley : « Je sais que beaucoup d’Afro-Américains sont fatigués de se voir enchaînés et opprimés. Mais contrairement aux représentations anciennes équivoques et humiliantes, celle-ci en finit avec la honte, la gêne, la culpabilité. Car chacun de ceux qui ont survécu à l’esclavage l’a fait avec la force d’âme d’un super-héros. »

Guerrier mandingue

Il est certain que l’on n’a plus Autant en emporte le vent (1939) comme seule représentation d’une plantation esclavagiste du sud des Etats-Unis, et que les lecteurs de Roots, qu’Alex Haley publia en 1976 (un récit que cet auteur, par ailleurs biographe de Malcolm X, voulait être une ­« faction », à la fois « fiction » et « action »), ont vu, depuis, un Noir accéder à la présidence des Etats-Unis.

Il est tout aussi vrai que cette nouvelle adaptation de Racines n’est plus un « hapax », comme le fut sa version de 1977, puisque ont été produits, depuis, des films comme 12 Years a Slave et des séries comme The Book of Negroes ou Underground.

Malachi Kirby | Numero 23

Mais l’historiographie sur la plus grande déportation de masse de l’histoire entre Afrique et Amérique et les études sur la (sur) vie des esclaves aux Etats-Unis ayant beaucoup évolué depuis les années 1970, on ne voit aucune raison de rejeter cette nouvelle version de Racines qui en reprend des apports à son compte et qui donne vie, voix et volonté de survivre au moins spirituellement à plusieurs générations d’une même famille noire, entre 1750 et la fin de la guerre de Sécession dans le sud des Etats-Unis. Dans l’esprit du mouvement actuel « Black Lives Matter » (« les vies des Noirs comptent »).

Le premier épisode suit Kunta Kinte, jeune guerrier mandingue du royaume de Niumi, en Gambie, des cales d’un navire qui l’emporte vers le port d’Annapolis, dans le Maryland, à une ferme de Virginie où il est acheté comme esclave. Et montre d’emblée l’ambition des producteurs : une mise en scène classique mais soignée, un très beau choix d’acteurs, et une farouche volonté de révéler l’esprit de résistance de ces hommes et de ces femmes si violemment déportés. « On n’achète pas un esclave, on le fabrique », note d’ailleurs le régisseur de la plantation où atterrit Kunta Kinte.

Racines, série réadaptée du livre d’Alex Haley par LeVar Burton et Mark Wolper. Avec Malachi Kirby, Forest Whitaker, Regé-Jean Page (EU, 2016, 4 x 90 min). Rediffusion de chaque épisode le mercredi suivant à 0 h 40.