Raphaëlle Besse Desmoulières, journaliste au service politique du Monde a répondu aux questions des internautes sur la stratégie du candidat de La France insoumise.

Mallap : Le vainqueur de la primaire à gauche aura-t-il un impact sur la candidature de Jean-Luc Mélenchon ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : Le résultat de la primaire organisée par le PS aura bien évidemment un impact sur la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Selon le candidat qui l’emporte, cela ouvre ou non un espace pour le candidat de La France insoumise.

Si c’est Valls ou Peillon, cela libère un espace sur leur gauche que pourrait occuper Mélenchon. Au contraire, si c’est Montebourg ou Hamon, classés à la gauche du PS, cela risque de lui compliquer la tâche car leurs programmes se rapprochent du sien – notamment celui de Montebourg – sur certains aspects. Lui estime que non et que plus ils seront nombreux à « ramer dans le même sens », selon sa formule, plus facile sera la tâche. Cela dépendra aussi de la dynamique qui accompagnera la primaire du PS : plus elle sera forte, plus dure sera la partie pour Mélenchon et inversement.

vahirua : Dans quelle mesure Mélenchon a-t-il repris le créneau des écologistes pour sa campagne et son programme ?

Cela fait un moment que Mélenchon a « écologisé » sa pensée. Déjà en 2012, l’écologie occupait une bonne place dans son programme. Mais celui qui était alors le candidat du Front de gauche était lié par les compromis passés avec les communistes. La question du nucléaire en était le meilleur exemple : lui était favorable à la sortie du nucléaire, les communistes non. Ils avaient donc décidé de trancher la question en organisant un référendum sur le sujet.

Parti seul en campagne en février 2015 (le PCF a depuis rejoint sa campagne), Mélenchon a pu établir le programme qu’il souhaitait et a mis le paquet pour séduire l’électorat écolo. Il propose désormais une relance de l’économie par la planification écologique, la sortie du nucléaire selon le scénario Negawatt, 100 % d’énergies renouvelables en 2050, la fermeture « immédiate » de la centrale de Fessenheim, une agriculture paysanne…

JR : La récente montée en puissance de la chaîne YouTube de Mélenchon risque-t-elle de changer la donne dans sa communication aux citoyens ?

Dafingerprint : La chaîne YouTube de M. Mélenchon est dans le top 50 mondial de la chaîne politique. Quel impact cela peut avoir sur la campagne ou sur les sondages ?

Mélenchon a clairement fait de sa stratégie numérique un axe fort de sa campagne. Il est l’un des rares politiques français à avoir investi le créneau YouTube – sa chaîne a récemment passé les 150 000 abonnés. Cela lui permet non pas de contourner les médias traditionnels comme il le revendique – contrairement à 2012, il est très présent dans la presse écrite, sur les radios et télévisions – mais bien d’additionner les canaux de diffusion. Et surtout de le faire sans filtre journalistique.

Luines : Est-on certain que l’électorat traditionnel du PS va encore voter pour son candidat alors que ce parti a renié plusieurs de ses fondamentaux (loi travail, enseignement qui défavorise l’ascenseur social, insécurité, problèmes posés par l’immigration incontrôlée…) ?

C’est tout le pari que fait Mélenchon : attirer vers lui une partie de l’électorat socialiste déçu par le quinquennat de Hollande. Dans un entretien que nous publions, il explique d’ailleurs : « Il peut se produire une situation où des secteurs du mouvement socialiste décident de me rejoindre. S’ils le font, ils peuvent assurer ma présence au second tour. La campagne est très ouverte. »

Pour cela, il met en avant dans son programme des propositions promises par le candidat Hollande mais abandonnées par le président Hollande comme le droit de vote pour les étrangers aux élections locales ou encore la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

nini : De quand date le dernier sondage mesurant le pourcentage de voix que Mélenchon réaliserait ?

Ces dernières semaines, Mélenchon était donné entre 13 % et 15 % des intentions de vote. Il se place derrière Emmanuel Macron mais devance le candidat socialiste quel qu’il soit (et très largement en ce qui concerne Arnaud Montebourg). Ce qui le fait s’interroger dans un entretien que nous publions sur l’utilité d’une candidature du PS : « Jusqu’à présent, l’ultime justification du candidat socialiste, c’était d’être en tête dans les sondages. Il se présentait alors comme le “vote utile”. Actuellement, le PS est en troisième position derrière M. Macron et moi-même. Dans ces conditions, sans projet et sans avantage électoral, à quoi bon un candidat du PS ? En réalité, le vrai choix des électeurs du PS, c’est de trancher entre l’orientation gouvernementale amplifiée, telle que la porte M. Macron, et la tradition de l’humanisme émancipateur de la famille culturelle, que j’incarne. »

A l’heure actuelle, dans les sondages, aucun candidat de gauche ne parvient à atteindre le second tour.

L : Comment expliquer que le premier point du programme soit une assemblée constituante ?

Parce que c’est le point central du programme de Mélenchon. Ce dernier a fait de la VIe République le cœur de son projet qui détermine tout le reste avec l’écologie. L’une de ses premières mesures serait de convoquer un référendum pour engager un processus constituant. Ce sujet avait d’ailleurs fait l’objet d’une précédente initiative, le M6R, qui lui a permis de tester une méthodologie.

Vyes : La dynamique de La France insoumise n’a-t-elle pas ralenti après les polémiques et le positionnement de Jean-Luc Mélenchon sur la question de la Syrie et plus particulièrement le soutien à la stratégie russe ?

Pour l’heure, son positionnement sur la Syrie et la Russie ne semble pas handicaper sa dynamique même si cela fait débat notamment chez ses partenaires. Chez certains communistes ou à Ensemble (troisième force de l’ex-Front de gauche), ses positions sur le sujet sont critiquées, parfois même publiquement, mais cela n’a pas empêché ces deux forces de la gauche radicale de soutenir sa campagne.

Jonathan : La candidature de Yannick Jadot est-elle certaine ou un ralliement à Mélenchon est-il envisageable ? De la même façon, si Valls gagne la primaire, peut-on imaginer Hamon ou Montebourg soutenir Mélenchon plutôt que le candidat PS ?

Il est peu probable que s’il n’avait pas ses signatures, Jadot rallierait la campagne de Mélenchon. Il y a effectivement des écologistes qui ont décidé de soutenir le candidat de La France insoumise comme le député EELV Sergio Coronado. Noël Mamère, député écologiste de Gironde, s’est également affiché avec Mélenchon et indiqué qu’il pourrait voter pour lui-même s’il a atténué par la suite ses propos. En 2012, Nicolas Hulot avait lui voté pour celui qui était alors le candidat du Front de gauche.

Mais je ne crois pas qu’EELV en tant que parti le rejoigne car de grosses différences subsistent entre eux sur l’Europe ou le fédéralisme. Quant à Hamon ou Montebourg, cela semble aussi compliqué, chacun s’étant engagé à soutenir le vainqueur de la primaire.

Rabcor : Pensez-vous vraiment que Mélenchon laissera un espace aux militant(e)s du PCF ? Un accord est-il possible entre le PCF et Mélenchon pour les législatives ?

La question des législatives constitue une réelle difficulté entre Mélenchon et le PCF. Les communistes ne souhaitent pas rejoindre le cadre de La France insoumise qu’ils jugent trop rigide. Ils refusent en outre de signer la charte des législatives qui comprend notamment une association de financement unique, ce qui est inacceptable pour le PCF.

Pour l’instant, chacun campe sur ses positions et investit ses candidats de son côté. Ce qui n’augure rien de bon puisque l’on pourrait avoir, si rien ne change, des candidatures concurrentes dans chaque circonscription.