Film sur Canal+ Cinéma à 18 h 50

Les Innocentes d'Anne Fontaine - Bande-Annonce
Durée : 02:07

Au cœur de l’histoire des Innocentes se trouvent les rigueurs de la vie ­monastique et la foi. Inspiré de l’histoire de Madeleine Pauliac, jeune médecin de la Croix-Rouge qui se trouvait en 1945 en Pologne, le dernier film se construit à rebours du plaisir des sens, dans le traumatisme d’un viol collectif.

On n’éprouvera de ce dernier qu’un écho, quelques mois plus tard, lorsque Mathilde Beaulieu (remarquable Lou de Laâge), avatar de Madeleine Pauliac, est amenée en secret par une jeune sœur dans un couvent. Y vivent plusieurs religieuses enceintes de soldats russes qui les ont agressées lors de leur passage.

Les Innocentes relève d’une approche profondément sensorielle du langage cinématographique, qui trouve ici une puissance et une beauté singulières. On y parle beaucoup. Et les dialogues sont aussi fins que sensibles : il y a du sublime et du grotesque dans chaque rôle, une âme dans chaque personnage. La confrontation de l’athéisme, de la foi et des règles monastiques donne lieu à des joutes oratoires formidables, étonnantes d’actualité.

Eliza Rycembel, Non identifié | Mandarin Cinéma / Anna Wloch

Mais l’œil est happé bien avant que l’esprit ne s’éveille à l’histoire, dès ce prologue sans paroles où l’on suit une sœur traversant la ­forêt ouatée de neige, dans lequel tout le film se devine, où l’émotion naît déjà. Caroline Champetier, à la photographie, continuera de ­travailler la palette de ces images superbes : un jeu de contrastes et de nuances bleutées, des lignes fortes, floutées dans les scènes d’intérieur par des jeux de lumière délicats donnant à certains plans la vibration singulière des tableaux de Georges de La Tour.

C’est à l’oreille ensuite, mais autour ou à la place des mots, que l’histoire se raconte en une partition de sons quotidiens faite de tonalités capricieuses et de contre­temps. Un instant, le rire cristallin d’une jeune sœur ricoche contre les murs du couvent, faisant jaillir la joie après le naufrage. L’instant suivant, le fracas encore lointain d’une troupe de soldats ramène toutes les souffrances passées sur les visages. A ce stade de l’histoire, l’emprise physique du film est telle qu’on a le sentiment que tout y fait sens. Cette sensibilité, cette capacité d’attention aux détails invitent à vivre et à sentir l’histoire avant de la juger.

Les Innocentes, d’Anne Fontaine. Avec Lou de Laâge, Vincent Macaigne (Fr.-Pol., 2016, 1 h 55).