Les réseaux sociaux ont largement relayé des images de fête de Hanoukka le 24 décembre 2016, à Bahreïn. | capture Web

Les autorités du royaume de Bahreïn avaient manifestement choisi de garder le silence sur les festivités qui ont rassemblé dans la capitale Manama, le 24 décembre, au premier jour de Hanoukka, des businessmen locaux et une délégation de juifs orthodoxes américains en voyage d’affaires. Pas un mot de l’agence de presse officielle. C’était sans compter sur la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo filmée par un participant : on y voit, mine joyeuse, des hommes en tunique et keffieh danser avec leurs hôtes en costume noir et kippa, accompagnés par des chants hassidiques.

Abondamment relayées par les médias pro-israéliens, ces images ont été fustigées par la presse iranienne. Elles ont aussi, sans surprise, suscité l’ire du mouvement radical palestinien Hamas. À Bahreïn, les pas de danse ont fait grincer des dents au sein d’une opinion majoritairement propalestinienne. Des éditorialistes arabes dénoncent l’esprit militant de la délégation étrangère, mise sur pied par un richissime homme d’affaires américain lié au mouvement Habad-Loubavitch.

Face au tollé, la chambre de commerce, dont plusieurs membres ont participé à la rencontre « à titre privé », a démenti toute implication dans l’organisation de la fête. L’un de ses responsables, Khaled Al-Zayani, a tenté de calmer la colère de ses compatriotes, en affirmant que les Bahreïnis invités avaient été « surpris » par le déroulement de la réception : selon lui, « personne ne s’attendait » à ces célébrations, et surtout, la délégation américaine n’aurait pas parlé de « relations commerciales », mais plaidé à mots couverts pour un rapprochement avec Israël, sujet tabou dans le royaume.

Une députée juive au Conseil de la Choura

En 2015, déjà, le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa avait organisé une cérémonie à l’occasion de la fête juive des Lumières. Une première depuis 1948 et la naissance de l’état d’Israël. L’allumage des bougies de Hanoukka s’était fait au sein même du palais, sans susciter d’hostilité si l’on en croit des articles publiés alors par la presse du royaume. Le monarque avait placé cette célébration, en présence de convives européens, dans le cadre d’une rencontre consacrée au dialogue interreligieux. Il s’était engagé à ce que les juifs bahreïnis – une trentaine de personnes sur une population d’origine bahreïnie estimée à 700 000 personnes – continuent à « vivre tranquillement », en maintenant leurs « coutumes sans aucune crainte ».

Les effectifs de la communauté juive locale, venue d’Irak ou d’Iran dès la fin du XIXe siècle, se sont effondrés depuis 1948. Mais elle conserve une visibilité, avec une députée au Conseil de la Choura. Une Bahreïnie de confession juive a aussi été ambassadrice aux États-Unis, allié-clef, de 2008 à 2013.

De façon plus générale, les autorités cultivent une image de tolérance religieuse. Ainsi ont-elles offert à l’église catholique un terrain destiné à l’édification d’une cathédrale. Une ouverture qui tranche avec les discriminations à l’encontre des chiites, selon des organisations des droits de l’homme. Majoritaires dans le petit archipel du Golfe, ces derniers mènent depuis près de six ans une fronde durement réprimée contre le pouvoir royal sunnite. Les images des récentes festivités, écrit le journal propalestinien Raï Al-Youm, auront réussi le tour de force d’unir les deux communautés musulmanes.