Série documentaire sur Arte à 16 h 35

Sylvin Rubinstein, le danseur de flamenco qui tuait les nazis. | Arte

Des parcours singuliers, voire hors du commun, dont la trace dans l’Histoire est mince, presque effacée parfois, alors même qu’ils incarnent un rêve, un combat, une aventure ou une audace qui méritent d’échapper à l’oubli. C’est ce que se propose de retracer cette série documentaire en vingt volets, diffusée entre le 7 janvier et le 11 mars, dirigée par Jacques Malaterre, qui l’a coécrite avec Jean-Yves Le Naour. On ne s’étonnera pas de ce que l’historien qui exhuma l’affaire Louis Malvy, « l’affaire Dreyfus » de la Grande Guerre, dont Claire Ferchaud fut, pour lui, la « Jeanne d’Arc », se soit associé à ce combat contre l’amnésie collective.

Au fil des semaines, on retrouvera donc Gala Dali et le Père Popieluszko, Grisélidis Real et René Dumont, Bobby Sands et Théo Sarapo, Tom Simpson, Louise Weiss et quelques autres. Arts, sport, écologisme, banditisme ou activisme politique, aucun champ de l’engagement n’échappe à cette « croisade » mémorielle.

Carl Lutz, un diplomate en résistance. | Arte

On attendra le samedi 14 janvier pour découvrir deux destins exceptionnels parfaitement négligés jusqu’ici, ce qui, dans les deux cas, est une injustice flagrante, puisqu’il s’agit d’authentiques héros de la deuxième guerre mondiale. Défiant crânement Adolf Eichmann, le diplomate suisse Carl Lutz (1895-1975), en poste à Budapest, fournit des papiers pour soustraire plus de 60 000 juifs à la persécution nazie, au grand dam de sa hiérarchie. De fait, il fut après guerre accusé d’avoir abusé de ses fonctions et ne fut « réhabilité » qu’en 1958, avant qu’Israël n’en fasse un « Juste parmi les nations », en 1965.

A la même époque, le danseur de flamenco Sylvin Rubinstein (1914-2011), qui avait triomphé sur les scènes européennes en duo avec sa jumelle Maria dès la fin des années 1920, venge sa sœur assassinée par les nazis en abattant des officiers allemands et en cachant des juifs avec le concours d’un officier de la Wehrmacht farouchement opposé à Hitler, tout en endossant sur scène l’identité de Maria, travesti, avant de démasquer les nostalgiques du Reich par l’entremise d’une brocante spécialisée.

Les records de Jacqueline Auriol

La première salve, le samedi 7 janvier, propose de mettre en lumière l’aviatrice Jacqueline Auriol (1917-2000), première femme pilote d’essai en 1955 et l’une des rares à avoir volé sur Concorde. Mais l’évocation articule sans finesse la vie d’avant le vol – belle-fille du socialiste Vincent Auriol, ministre du Front populaire et opposant à Pétain, elle vécut la guerre dans la clandestinité avant d’assumer, ancienne élève de l’Ecole du Louvre, la rénovation de la décoration de l’Elysée quand Auriol s’y installa en tant que premier président de la IVe République – et la kyrielle de records que la jeune femme établit dans les années 1950.

Le footballeur George Best, en 1969. | PRESSE SPORTS

Le portrait de George Best (1946-2005) est autrement attachant, écrit avec un juste sens de la dramaturgie. Gamin des quartiers ouvriers de Belfast, cet adolescent au dribble exceptionnel, sitôt repéré, s’impose par une maîtrise du football aussi exceptionnelle que personnelle. Impossible à canaliser, le jeune prodige fait voler en éclats les conventions d’un milieu trop normé, mais éblouit de sa grâce un public qui fait de lui une pop star avant l’heure. La première du monde des sports. Brûlant sa vie entre l’alcool, les filles et la nuit, il s’épuise jusqu’à l’autodestruction, avec un panache aussi superbe que suicidaire. Pour la leçon d’un artiste tenu pour le « 5e Beatles », l’oubli était impensable.

« Les Oubliés de l’histoire », série créée et réalisée par Jacques Malaterre (Fr., 2016, 20 x 26 min).