Jon Palais au tribunal de Dax (Landes) le 9 janvier. | IROZ GAIZKA / AFP

Jon Palais avait le sourire en sortant du palais de justice de Dax, dans les Landes, lundi 9 janvier en milieu d’après-midi. Poursuivi par la BNP-Paribas pour avoir revendiqué un « fauchage » de chaises dans l’une de ses succursales, le 19 octobre 2015 à Paris, le militant de Bizi, une organisation basque créée en 2009 sur les questions climatiques et sociales, pouvait se vanter d’être passé du statut d’accusé à celui de pourfendeur de « l’évasion fiscale » dont la banque serait coupable.

Sans préjuger de la décision de la juge Florence Bouvier, qui sera rendue le 23 janvier, Jon Palais, 37 ans, ne sera certainement pas condamné à cinq ans de prison et 75 000 euros, la peine maximale encourue pour le « vol en réunion » pour lequel il était mis en examen. La magistrate, comme le procureur, Jean-Luc Puyo, se sont en effet montrés attentifs à la cause défendue par le militant et les quelque 1 500 soutiens actifs qui l’ont accompagné tout au long de la journée.

Devant le palais de justice, la foule a longtemps clamé sa solidarité aux cris de : « Nous sommes tous des faucheurs de chaise », « ce n’est pas les faucheurs qu’il faut juger, mais l’évasion fiscale en bande organisée ». Selon eux, entre 60 milliards et 80 milliards d’euros disparaissent chaque année en France, manquant aux finances publiques. Des sommes qui devraient servir à financer notamment la « transition écologique et sociale ».

A l’intérieur de la salle, trop petite pour accueillir militants et personnalités, le procureur a exprimé sa compréhension à l’égard de Jon Palais. Refusant d’employer le terme de « vol », préférant évoquer un « emport » de chaises – « et je choisis mes mots » a-t-il précisé –, louant le caractère « pacifiste et bon enfant » du mouvement des faucheurs de chaises, Jean-Luc Puyo a revendiqué être « le premier à adhérer à la lutte contre l’évasion fiscale ».

Evoquant une « procédure viciée » sur les chefs d’inculpation de refus de se soumettre aux divers prélèvements (empreintes et biologique), le procureur de la république a finalement demandé la « relaxe » de l’accusé, s’agissant des chaises, et une « dispense de peine » pour la question des contrôles.

« Procédure d’intimidation »

Les deux avocates, Eva Joly, candidate écologiste à l’élection présidentielle de 2012, et sa fille, Caroline Joly, n’avaient alors, elles, plus qu’à demander la relaxe totale de leur client. L’absence de la BNP-Paribas à l’audience, regrettée par les magistrats, n’a fait que renforcer l’idée de l’illégitimité de ce procès intenté au faucheur de chaises. Catherine Joly a dénoncé une « procédure d’intimidation », Eva Joly attaquant longuement la banque. « L’utilisation des paradis fiscaux est pour la BNP un business model, elle y réalise un tiers de ses bénéfices », a-t-elle proclamé.

Une accusation sans fondement pour la banque qui, à distance, a essayé de limiter les dégâts d’un procès devenu le sien, ne réclamant qu’« un euro symbolique en recouvrement de l’intrusion à l’encontre des clients et collaborateurs de la banque », selon les mots confiés au Monde par un représentant de la BNP, non loin de la salle du tribunal. « Nous faisons appel au droit pour que ces envahissements de nos agences cessent », explique la banque, affirmant n’être présente dans aucun paradis fiscal et revendiquant être « un des plus importants contributeurs fiscaux en France avec 2 milliards d’impôts payés dans le pays en 2015 ».

En attendant le jugement, il n’est pas sûr que la banque ait fait une bonne affaire avec ce procès médiatisé, et très politisé – de nombreux représentants de partis (NPA, PS, Parti de gauche, Europe Ecologie-Les Verts, Nouvelle Donne…) ayant fait le déplacement. Jon Palais a annoncé de nouvelles mobilisations pour le deuxième procès d’un faucheur de chaises, le président des Amis de la Terre, Florent Compain, à Bar-le-Duc, le 11 avril. Une semaine d’action mondiale sera organisée dès le 3 avril, date anniversaire de la publication des « Panama papers ».