Rarement une telle armada de mauvaises fées s’est penchée sur le berceau d’une autorité indépendante. Depuis 2009, la Hadopi, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet créée sous Nicolas Sarkozy, a sans cesse été mise en cause.

Tantôt asphyxiée financièrement, en 2014, avant que les subsides d’Etat ne lui soient à nouveau accordés, tantôt promise à une suppression pure et simple par la ministre de la culture Aurélie Filippetti… Sans compter ces rapports parlementaires, tous plus saignants les uns que les autres, qui se sont interrogés sur son utilité.

Pour honorer une promesse de campagne faite par François Hollande, les députés avaient voté, en mai 2016, sa suppression… en 2022, avant que le Sénat ne revienne sur cette décision. Désormais présidé par Christian Phéline, le gendarme du Net a publié, mardi 10 janvier, son rapport d’activité 2015-2016. Pour prouver qu’il existe encore, remplit ses missions et fait des propositions ? Sans doute.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

« Réponse graduée »

En matière de lutte contre le piratage des œuvres culturelles sur Internet, qui est sa principale mission, la Hadopi se félicite de l’amélioration de la mise en place de la « réponse graduée ». Cette stratégie de mise en garde des internautes fraudeurs, qui piratent des films et plus encore de la musique, consiste à les informer de leurs délits, par trois fois, avant d’envisager une sanction pénale.

L’anti-pirate d’Internet, qui ne dispose d’aucun moyen direct de sanction, a recensé, entre 2010 et octobre 2016, quelque 122 millions de saisines. Toutes celles qui sont reçues sont désormais traitées. Sur ce total, la Hadopi a envoyé 7,58 millions de premières recommandations puis, pour les fraudeurs récidivistes, 686 000 deuxièmes recommandations, avant de passer au troisième stade : 5 339 « constats de négligences caractérisées ». Sur ce total, 1 308 dossiers ont été transmis au parquet.

Rien qu’entre juillet et octobre 2016, la Hadopi a envoyé par mail plus de 600 000 premières recommandations, soit 25 % de plus qu’au cours de l’exercice précédent. Une lettre simple permet « d’éviter dans plus de 50 % des cas le passage en deuxième phase de la procédure », se félicite le rapport. Une personne sur deux reconnaît, selon la Hadopi, avoir modifié ses habitudes après avoir reçu un avertissement.

Lutte contre les internautes mais pas contre les services

Sur les quelque 1 300 dossiers envoyés au procureur de la République, seules 201 suites judiciaires ont été engagées et répertoriées. Sur ce total, 89 mesures alternatives aux poursuites ont été proposées, 37 affaires ont été classées sans suite par les juges, 3 accusés ont été relaxés et seulement 72 fraudeurs condamnés. La question est donc de savoir si Jonathan Swift (1667-1745), l’auteur des Voyages de Gulliver, avait raison quand il constatait dans son Irréfutable essai sur les facultés de l’âme, que « les lois sont comme les toiles d’araignée, elles prennent les petites mouches mais laissent passer les guêpes et les frelons ».

En effet, si la Hadopi cible les internautes qui récupèrent frauduleusement des fichiers, lutter contre les services illicites et manifestement contrefaisants semble plus complexe. « La diffusion illicite d’œuvres en streaming et en téléchargement direct relève le plus souvent d’une approche professionnelle et profitable visant à faciliter et inciter à grande échelle à la contrefaçon », estime le rapport de la Hadopi. Le 30 novembre, le site Zone Téléchargement a été fermé après un dépôt de plainte de la Sacem.