Barack Obama essuie une larme lors de son discours d’adieu mardi 10 janvier à Chicago. | JONATHAN ERNST / REUTERS

Editorial du « Monde ». Il était naturel que le président ­Barack Obama choisisse Chicago, la ville qui l’a vu naître politiquement, pour faire ses adieux, mardi 10 janvier, au terme de huit ans à la Maison Blanche. Il était également ­naturel que, avec le formidable talent oratoire qui l’a accompagné au long de sa présidence, il tire un bilan positif de ses deux mandats et revienne sur le slogan qui l’a lancé, « Yes we can » (« oui, nous pouvons ») en bouclant la boucle par un vigoureux « Yes we did » (« oui, nous l’avons fait »), même si beaucoup d’Américains, jusque dans son propre camp, jugent son bilan en demi-teinte.

Il était malheureusement tout aussi naturel qu’il formule, à cette occasion, un sérieux avertissement à ses ­compatriotes sur l’état de la démocratie américaine. L’élection de Donald Trump comme 45e président des Etats-Unis, le 8 novembre 2016, n’est pas seulement l’échec de son adversaire démocrate Hillary Clinton. Elle est aussi l’échec de Barack Obama et d’une conception traditionnelle du processus démocratique. A l’heure où le président sortant prenait la parole, mardi, son successeur était de nouveau contraint de se défendre sur les réseaux sociaux de nouvelles allégations sur un scandale lié à ses relations avec la Russie. Cette campagne électorale, l’élection elle-même et la transition ont été les plus chaotiques que les Etats-Unis aient connues, ­surpassant l’élection controversée de George W. Bush en 2000.

« Une bataille d’idées »

Pour Barack Obama, la démocratie est aujourd’hui menacée par la montée des inégalités, la persistance du ­racisme et par l’enfermement intellectuel. S’il a tenté d’œuvrer contre les deux premiers dangers avec un succès très mitigé, l’émergence du troisième est plus récente. M. Obama a souligné que la politique est, avant tout, « une bataille d’idées ». Il a jugé utile de rappeler que le débat électoral démo­cratique consiste à « hiérarchiser des objectifs » et à formuler « les différents moyens de les atteindre ». Ce débat, a-t-il dit, ne peut se dérouler sainement « si l’on n’est pas prêt à admettre des ­informations nouvelles ni à concevoir que son adversaire peut émettre un point de vue juste », ou que « la science et la raison comptent ». « Si vous en avez assez de vous disputer avec des ­inconnus sur Internet, essayez donc de parler à quelqu’un dans la vraie vie », a-t-il conseillé.

Qu’un président américain soit tenu de rappeler ces évidences en 2017 est, en soi, un motif d’inquiétude. M. Obama a également pris soin de mettre en garde, dans la même phrase, ses concitoyens contre « l’affaiblissement des valeurs qui [les] définissent » et contre « les agressions extérieures ». Il en est donc convaincu : les différentes offensives de piratage informatique qui ont émaillé la ­campagne de 2016 avaient bien pour objet d’affaiblir le système démocra­tique américain. Adressé à l’électorat de son pays, le discours d’adieu de Barack Obama est, en réalité, applicable à la plupart des démocraties européennes. Son avertissement vaut pour nous tous.

« Yes we did ! » : les moments forts du discours d’adieu de Barack Obama
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