La Commission d’administration des documents administratifs (CADA) a connu en 2015 un nombre record de 7 222 saisines, selon son rapport d’activité récemment publié. En quoi consiste cette commission, qui joue un rôle de plus en plus important entre les citoyens et les administrations ?

Qu’est-ce que la CADA ?

La CADA, organe indépendant, est chargée de donner un avis lorsqu’elle est saisie après le refus d’une administration de communiquer un document. Elle intervient avant toute saisine d’un juge administratif, pour tenter d’éviter un contentieux judiciaire. La CADA est en fait la garante du respect de la loi du 17 juillet 1978 qui accorde à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs.

Toute personne qui se voit refuser un document administratif ou qui reste sans réponse dans un délai d’un mois peut saisir la CADA, qui va ensuite se prononcer sur le caractère communicable du document ou non. A travers les avis qu’elle rend, la commission fait part de son interprétation des textes et peut émettre ensuite des propositions au gouvernement afin d’améliorer le droit d’accès aux documents. Pour rendre ses avis, elle mène une investigation approfondie et peut demander aux administrations tout document nécessaire à l’enquête.

Dans ses prises de position, la commission va le plus souvent à l’encontre des décisions administratives, rendant le plus souvent des avis positifs quant à la communicabilité du document. Elle n’hésite pas non plus à faire part des comportements administratifs qui pourraient bloquer l’accès aux documents. Les autorités administratives peuvent également avoir recours à la commission pour s’informer sur le caractère communicable d’un document (des « conseils »). Même si son avis n’a pas force obligatoire, il est généralement suivi.

Depuis 2005, la loi permet également aux citoyens de réutiliser les informations publiques à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont détenues ou élaborées. La commission peut désormais prononcer des sanctions à l’encontre des personnes qui violent les prescriptions de la loi en réutilisant des informations publiques. En 2008, une société a par exemple été condamnée à payer 50 000 euros d’amende pour réutilisation et dénaturation d’informations publiques dans le cadre d’une campagne publicitaire, dans laquelle elle vantait les qualités nutritionnelles d’une huile de friture qu’elle avait fabriquée, en s’appuyant sur des recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). La société avait en réalité détourné des informations nutritionnelles présentées par l’AFSSA.

Une composition hétérogène

L’indépendance de la CADA est garantie par une diversité de profils parmi les dix membres qui la composent, complétés par un président qui est conseiller d’Etat :

  • deux magistrats (un conseiller à la Cour des comptes, un conseiller à la Cour de cassation) ;
  • trois élus (un député, un sénateur, un conseiller général ou municipal) ;
  • un professeur de l’enseignement supérieur ;
  • un membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), autorité administrative indépendante française chargée de veiller à ce que l’usage de l’informatique soit au service du citoyen et ne porte pas préjudice à ses droits ou encore à sa vie privée ;
  • trois personnalités qualifiées dans trois domaines différents (archives, concurrence et prix, diffusion publique d’informations).

La CADA a également recours à dix rapporteurs, coordonnés par un rapporteur général et deux rapporteurs généraux adjoints. Un commissaire désigné par le premier ministre supervise également le travail de la commission. Enfin, un secrétariat général, composé de 13 membres, assiste la commission dans ses délibérations.

Pourquoi le nombre de saisines augmente-t-il ?

Le nombre de saisines de la commission a atteint en 2015 un niveau record de 7 222, dont 5 818 ont réellement été instruites – certains administrés se désistant avant d’obtenir un avis, la simple saisine de la CADA permettant souvent de débloquer la situation avec l’administration. Le nombre d’avis (5 041) sollicités par des citoyens ne pouvant accéder à certains documents administratifs ainsi que le nombre de conseils (227) donnés à des administrations demandant des précisions concernant le caractère communicable d’un document atteignent eux aussi un niveau historique.

L'année 2015, année record pour le nombre de conseils et d'avis enregistrés
Ce graphique montre le nombre d'avis et de conseils délivrés par la CADA au cours de l'année 2014 et 2015
  • Des citoyens en demande

Selon le président de la CADA, Marc Dendelot, les citoyens ont un besoin croissant d’accès à de nombreux documents administratifs et « lorsqu’il n’est pas spontanément satisfait, ce besoin engendre rapidement impatience et frustration, s’exprimant auprès des services de la commission ».

  • Des administrations parfois réticentes

Le président de la CADA déplore également un manque de mobilisation de certaines administrations qui ne font pas preuve d’assez d’initiative pour garantir le droit d’accès aux documents. « Lorsque la demande qui lui est faite porte sur un ensemble considérable de documents, l’administration peut être désorientée, voire dissuadée, par l’ampleur de la tâche. Il est plus confortable d’attendre la saisine de la CADA, pour que celle-ci donne la marche à suivre », explique-t-il dans le rapport. Ainsi, la commission a dû se prononcer sur un nombre plus important d’affaires, mais également des dossiers de plus en plus compliqués.

  • Une législation complexe

Le président de la CADA admet que la législation garantissant l’accès aux documents est très complexe et très vaste, elle se fonde sur une législation générale et des législations spécifiques, ce qui explique notamment que la commission soit beaucoup sollicitée. Malgré la codification de la loi à l’origine de sa création, le code de relations entre le public et l’administration se décline en cinq volets.

Pour lui, une simplification des règles d’accès et leur compréhension est indispensable pour faire diminuer le nombre de saisines de la commission. Le nombre de conseils rendus par la CADA aux administrations a d’ailleurs augmenté par rapport aux années précédentes, de 135 en 2014 à 227 en 2015. D’après le rapport, ces demandes de conseil ont augmenté parce que les administrations sont de plus en plus réticentes à fournir des documents aux administrés et préfèrent donc s’en remettre à la Commission, qui dans la plupart du temps rend un avis favorable.

Les avis rendus par la CADA sont majoritairement favorables à la communication du document administratif en question
Ce graphique représente la répartition des avis rendus par la CADA