Photo prétexte - Caen - 2007 | MYCHELE DANIAU / AFP

Dossier APB. En apparence, rien ne distingue les lycées Descartes et Jean-Brito, hormis les quarante kilomètres de quatre-voies qui séparent Rennes de Bain-de-Bretagne. Environ 1 000 élèves chacun, dont 11 % de boursiers et un quart d’enfants de cadres supérieurs et enseignants. Tous deux affichent des résultats au bac supérieurs à la moyenne académique (97 %). Et pourtant, leurs élèves se projettent très différemment dans l’avenir.

En ce jour ce forum Orientation à Jean-Brito, Elsa Gauthier, élève en première ES, s’interroge : « Je ne sais pas ce que je veux faire. J’aime bien le social. Je vise un bac+2 ou 3, après on verra. » A ses côtés, Meggie Monnerie, en première ES également, n’est guère plus avancée : « Je n’ai pas de projet défini. Pourquoi pas un BTS ? » « Nos élèves manquent d’ambition. C’est un vrai souci », lâche Didier Sicard, proviseur de Jean-Brito. Pour preuve, à peine 9 % des terminales S ont mis en premier vœu APB, en 2016, une formation d’ingénieurs, quand ils étaient 15 % à Descartes. Et moins de 4 % ont fait le choix d’une classe préparatoire contre environ 10 % dans les lycéens rennais. « Pourtant nous avons de très bons élèves », souligne le proviseur.

Information et ambition

A l’autre bout de la quatre-voies, Patricia Guiguen, conseillère d’orientation-psychologue, dresse un tout autre portrait des lycéens de Descartes : « Ils voient loin. La plupart ont envie de faire des études longues qui offrent des débouchés. » Héloïse Lelu, en terminale ES, fait partie de ces élèves. Son objectif : intégrer une école d’architecture. « Longtemps, je me suis imaginée décoratrice d’intérieur, mais j’ai finalement bifurqué sur archi, c’est plus ouvert. » Nicolas Braneyre, professeur de physique-chimie, constate : « Les élèves sont ambitieux. En S, beaucoup aimeraient faire médecine ou une classe préparatoire intégrée. »

Pourquoi des lycéens aux profils comparables se projettent de façons si différentes dans les études supérieures ? « Choisir de poursuivre des études suppose de s’y préparer et de connaître ce qui existe. Or, pour les élèves de Jean-Brito, s’informer peut être compliqué », analyse Didier Sicard. Conséquence : « Seuls les plus motivés, généralement ceux qui ont un projet ou des parents conscients de l’enjeu, font l’effort de se rendre aux journées portes ouvertes, regrette la conseillère d’orientation-psychologue Laurianne Jolys. Pour les autres, soit un tiers des élèves du lycée, les choix se font à partir d’une représentation souvent étroite et erronée de ce que sont les filières de l’enseignement supérieur. » C’est donc à nous « d’élargir les perspectives et de susciter l’envie », pointe le proviseur.

Les lycéens rennais, eux, ont le sentiment d’être bien informés, « parfois trop », souligne Kilian Auguste en terminale ES. Les écoles et universités sont facilement accessibles. « En ville, nous rencontrons des étudiants qui viennent de partout. Discuter avec eux est très enrichissant », témoigne Donatien Mourrey, en terminale L. Une fois son bac en poche, le jeune homme envisage une classe préparatoire littéraire ou un IEP. Emily Rivalin, en terminale L, a, quant à elle, déjà pris ses quartiers à la bibliothèque universitaire de Rennes-II, où elle révise : « J’adore l’ambiance. Il ne me reste qu’à convaincre mes parents de m’inscrire en licence d’anglais. »

Changer d’environnement

De leur côté, les élèves de Brito ne sont pas pressés de rejoindre la ville étudiante et encore moins de quitter la Bretagne. « Ce qui nous stresse le plus dans les études supérieures, c’est de devoir partir et se séparer de nos amis. On prend le car ensemble tous les matins pour aller à l’école depuis tout-petits », rigole un groupe d’élèves de terminale S, sortis, le temps de la pause déjeuner, profiter du soleil d’automne.

Didier Sicard analyse : « Nos élèves sont habitués à un environnement très sécurisant. Ils ont été protégés et maternés, cela ne les prépare pas idéalement à l’avenir. » Elodie Petitjean, professeure de lettres modernes à Brito, d’ajouter : « Pour certains parents et même des jeunes, la ville fait peur. Quand ils sont obligés d’y aller, ils privilégient les structures dans lesquelles ils sont encadrés comme les sections de techniciens supérieurs (STS) et instituts universitaires de technologie (IUT). » Ainsi, un quart des élèves d’ES ont demandé un IUT en 2016 contre 15 % à Descartes. Isabelle Pourchet, professeure d’histoire-géographie, nuance : « Nous avons aussi des élèves qui ont de grands projets. » En témoigne Titouan Bodeveix, en première ES : « Je ne sais pas encore ce que je veux faire mais ce qui est sûr, c’est que je compte bien aller voir ce qui se passe dans le monde. »

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