L’Arena de Montpellier, inaugurée en 2010, n’accueillera pas les Bleus pendant le Mondial de handball. | PASCAL GUYOT / AFP

C’est un peu comme si Marseille n’avait pas accueilli l’équipe de France pendant l’Euro de football l’été dernier. Comme si une Coupe du monde de rugby avait lieu dans le pays sans qu’un seul match du XV tricolore ne se tienne à Toulouse. Ou comme si le Tour de France de la quiche ne passait pas par la Lorraine.

Depuis vingt ans, le club du Montpellier Handball (MHB) a remporté 13 titres de champion et autant de Coupes de France ; il est le seul club français vainqueur de la Ligue des champions (2003) ; neuf des seize joueurs de l’équipe de France ont porté ou portent encore (Guigou, Fabregas, Gérard, Porte) son maillot chaque week-end. Et pourtant, Montpellier, capitale du handball français depuis deux décennies, n’accueillera pas le moindre match des Bleus pendant le Mondial (11-29 janvier) qui s’ouvre mercredi dans l’Hexagone.

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Les Experts, tenants du titre, disputeront le match d’ouverture à Bercy, mercredi 11 janvier, où ils espèrent revenir en demi-finales et en finale (le 29). Entre-temps, ils auront joué les quatre autres rencontres du premier tour à Nantes, et leurs éventuels huitième et quart de finale à Villeneuve-d’Ascq.

« Au Montpellier Handball, on a toujours dit haut et fort qu’on souhaitait avoir ce type d’événement, on aurait été vraiment ravis d’accueillir l’équipe de France, donc c’est une grosse déception, constate Rémy Lévy, président du MHB. Un championnat du monde à domicile, c’est une occasion unique, ça aurait été une reconnaissance de ce que fait Montpellier dans le handball français depuis des années, une reconnaissance de nos bénévoles, de nos licenciés. »

« Situation merdique »

Faute d’équipe de France, le cocon des frères Karabatic, place forte mythique du hand tricolore dotée d’une superbe Arena de 8 500 places depuis 2010, devra se contenter de deux huitièmes et un quart de finale. En guise de lot de consolation, les Bleus sont venus y jouer leur ultime match de préparation dimanche dernier, face à la Slovénie. Victoire 33-26 dans une salle comble et bouillante. En tribune, Philippe Saurel, maire (dissident PS) de Montpellier, ne s’est pas privé de faire savoir aux représentants de la Fédération française de handball (FFHB) que cette « situation merdique » le chiffonnait grandement.

Joël Delplanque, président de la FFHB, feint de ne pas voir d’anomalie dans cette affaire, et ne met que trente secondes à s’agacer quand on aborde le sujet : « Qu’est-ce que vous cherchez ? Il y a eu un cahier des charges, Montpellier était candidat à deux huitièmes et un quart, ils ont deux huitièmes et un quart. Ils n’étaient pas candidats à l’équipe de France, c’est aussi simple que ça. »

L’intérieur de l’Arena de Montpellier, lors d’un match de Ligue des champions de handball en 2010. | PASCAL GUYOT / AFP

Philippe Saurel, arrivé à la mairie de Montpellier en avril 2014, c’est-à-dire après la bataille de la désignation des villes hôtes des Bleus, confirme et enrage : « Quand je suis arrivé, les financements étaient presque totalement versés. C’est un dossier que je n’ai pas traité, qu’on m’a imposé, et que je subis du début à la fin. Ça m’a complètement filé entre les doigts. »

L’édile n’y peut pas grand-chose. Le club de Montpellier non plus. Son président, Rémy Lévy, résume le nœud du problème : « Le Mondial est organisé par Fédération française de handball, qui s’appuie sur ses ligues régionales. Il y avait un cahier des charges, tout le monde pouvait répondre, et malheureusement, la ligue de handball Languedoc-Roussillon n’a pas postulé pour l’équipe de France, elle ne s’est pas sentie en mesure de relever le défi. Voilà l’explication. »

Trop cher pour la région

Paul Charlemagne, président de la ligue de handball Languedoc-Roussilon qui aurait pu nous éclairer sur ses motivations, n’a pas répondu à nos appels. Une chose est sûre, la région Languedoc-Roussillon n’a rien fait pour l’encourager à se lancer dans la bataille pour accueillir les Bleus.

Joël Abati, pilier de l’équipe de France de handball dans les années 2000, et responsable des sports à la région (2010-2014) à l’époque des faits, s’explique – de manière parfois assez confuse : « Il fallait mettre 500 000 euros de plus que ce qu’on a mis [il avancera aussi le nombre de 250 000 lors de la discussion], et on aurait été en concurrence avec Nantes, qui a une plus grande influence que nous en termes de spectateurs [il y a 10 600 places au Hall XXL, et 27 500 au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq], donc on n’était pas sûr d’avoir les Bleus. Alors on a préféré postuler sur un quart de finale, et investir le reste de l’argent sur des clubs locaux, que ce soit Montpellier qui était en difficulté financièrement [l’affaire des paris, en 2012, avait ébranlé le club], Nîmes, ou le handball féminin dans la région. »

« On paie un max, et on n’a pas l’équipe de France, c’est une folie », tonne Philippe Saurel, qui trouve l’addition déjà assez salée. En tout, la région (305 000 €), le département de l’Hérault (150 000), la ville et la métropole (418 000) ont payé 873 000 euros pour les trois matchs qui auront lieu sur leur territoire, ainsi que pour les animations liées au tournoi. En 2015, Montpellier avait accueilli cinq matchs de l’équipe de France de basket lors du championnat d’Europe. Les collectivités locales, selon Philippe Saurel, s’en étaient tirées pour « 750 000 euros ».