Robert Goodwill à Hampshire, en juillet 2014. | LEON NEAL / AFP

Le gouvernement de Theresa May n’avait pas besoin de ce nouveau couac. Alors que les phrases vides de sens de la première ministre britannique – « Brexit veut dire Brexit » – exacerbent l’incertitude à moins de trois mois du déclenchement annoncé de la procédure de sortie de l’Union européenne (UE), le ministre de l’immigration, Robert Goodwill, a fait sensation, mercredi 11 janvier, en suggérant que l’embauche d’un Européen pour un emploi qualifié au Royaume-Uni puisse être soumise au paiement d’une taxe de 1 000 livres (1 154 euros), déjà en vigueur pour les immigrés non européens. « C’est quelque chose qui pourrait être mis en œuvre, a-t-il déclaré. Les négociations sur le Brexit nous donnent l’occasion de contrôler les flux d’entrée. » La mesure paraissait calibrée pour ravir les « brexiters » qui veulent que Londres « reprenne le contrôle » de l’immigration et rompe avec la libre entrée des ressortissants européens.

Elle semblait aussi dans la droite ligne des dernières déclarations de Mme May, qui a privilégié le contrôle de l’immigration sur l’accès au marché unique européen, confirmant son choix en faveur d’un « hard Brexit ». Le gouvernement cherche à faire baisser le niveau annuel net de l’immigration, qui a atteint 336 000 personnes, alors que l’objectif est inférieur à 100 000. Sur les 650 000 immigrés qui sont entrés entre juin 2015 et juin 2016 – un record –, 284 000 sont des Européens.

Le ministre a été « mal compris »

Il n’a fallu que quelques heures et les cris d’orfraie du patronat pour que Downing Street fasse marche arrière. « Ce n’est pas au programme du gouvernement », a assuré la porte-parole de Mme May, en assurant que M. Goodwill avait été « mal compris ».

Entre-temps, l’ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, désigné par le Parlement européen pour négocier le Brexit, s’était dit « choqué ». « Imaginez, juste un moment, ce que seraient les titres de la presse britannique si l’UE avait fait une telle proposition pour les ressortissants britanniques », a-t-il tweeté.

Les organisations patronales, qui peinent à trouver de la main-d’œuvre britannique qualifiée en raison de structures de formation insuffisantes, ont fait valoir qu’une telle taxe allait « mettre en péril la croissance de l’emploi au moment même où les entreprises vivent dans l’incertitude ».

L’agriculture a du mal à embaucher

Les employeurs du secteur de l’agriculture, qui ont du mal à trouver des Britanniques acceptant des salaires bas pour un travail pénible, avaient réagi de la même façon début janvier. Au point qu’Andrea Leadsom, la ministre des affaires rurales, farouche « brexiter » et très hostile à l’immigration pendant la campagne du référendum, a promis que l’agriculture aurait largement accès à la main-d’œuvre saisonnière européenne après le Brexit.

Quant à la taxe de 1 000 livres sur les travailleurs qualifiés, il n’est pas impossible qu’elle refasse surface un jour. Downing Street n’en écarte pas l’idée pour l’avenir. La sortie de M. Goodwill tenait sans doute du ballon d’essai destiné à mettre la pression sur les Vingt-Sept avant l’ouverture des négociations.