« Dans les représentations, et en dépit des efforts du monde fédéral, le football reste une pratique qu’on associe aisément aux faits de violence pour ce qui concerne l’amateurisme », relève Williams Nuytens, sociologue et directeur du laboratoire Sherpas, qui travaille sur les phénomènes de violences et de déviances dans les pratiques physiques. Les statistiques dépeignent en effet un tableau moins sombre.

Au cours de la saison 2015-2016, il y a eu des violences ou incivilités au cours de 1,4 % des rencontres (soit 10 977 matchs), selon le rapport annuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), publié jeudi 12 janvier. Ce taux reste stable par rapport à la saison précédente (12 476 matchs). Près de 775 000 parties d’amateurs se sont donc déroulées sans encombre. Ce décalage de représentation peut « se comprendre à partir du moment où les agressions sur les terrains sont des phénomènes largement couverts par les médias », explique Patrick Mignon, ancien sociologue à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep).

Chiffres incomplets

Mise en place en 2006 par la Fédération française de football, l’Observatoire des comportements, un outil de recensement, permet à chaque district ou ligue de reporter par voie informatique les violences qui ont lieu lors de matchs de football amateur ou de futsal. L’ONDRP s’appuie sur ces données pour établir son rapport.

Mais ces chiffres restent incomplets et ne dénombrent pas la totalité des rencontres et des violences lors de matchs de football amateur. Faute d’effort de recensement suffisant, douze districts ou ligues n’ont pas été pris en compte dans l’étude sur les 125 centres de gestion possédant l’outil informatique (soit 6 % des matchs de 2015-2016), sans compter les centres qui ne disposent pas encore de ce dispositif. Par ailleurs, lorsque plusieurs événements émaillent une rencontre, seul le plus grave est par exemple reporté dans la base de données de l’Observatoire des comportements.

Incidents plus fréquents chez les 17-18 ans

« Les premiers agressés physiquement sont les joueurs, les premiers agressés verbalement sont les arbitres. (…) L’arbitre reste la cible privilégiée [des violences physiques et verbales, et des incivilités] et le joueur le principal auteur des faits », précise Williams Nuytens. Les coups et les brutalités (38 %), devant les propos grossiers et injurieux (37 %), dominent l’échelle des violences, qui sont pour 90 % commises par un joueur.

C’est lors d’opposition entre footballeurs âgés de 17 ou 18 ans que la proportion d’événements est la plus élevée. « Cela s’explique car c’est l’âge où les questions sur l’identité, l’estime de soi sont prégnantes. Cette affirmation ou confirmation de qui on est augmente la susceptibilité et peut augmenter la violence, dans certains cas », explique Patrick Mignon.

En ce qui concerne le futsal, les spectateurs sont davantage au centre des violences. L’une des hypothèses, selon l’ONDRP, est la plus grande proximité du spectateur avec le terrain.

La discrimination ou le racisme restent infimes. Sur près de 11 000 matchs au cours desquels ont eu lieu des incivilités, 62 ont connu des événements de cette nature (soit 0,6 %). « Mais il ne faut pas être dupes, car en matière d’enregistrement d’actes racistes, xénophobes ou discriminatoires, c’est la politique du “chiffre noir” qui s’impose. Il y a tant à faire déjà », nuance Williams Nuytens.