Nicolas Maduro, son épouse, Cilia Flores (à gauche), et son nouveau vice-président, Tareck El Aissami, à Caracas, le 4 janvier. | AFP

Le « dialogue » engagé en octobre 2016 entre le pouvoir chaviste et l’opposition, sous les auspices du Vatican, pourra-t-il désamorcer la crise vénézuélienne ? Alors que la prochaine réunion est programmée, vendredi 13 janvier, les deux camps s’accusent mutuellement de ne pas tenir leurs engagements.

Le président Nicolas Maduro s’est voulu optimiste, en annonçant un remaniement ministériel, le 4 janvier : « 2017 est la première année du redressement et de ­l’expansion de la révolution bolivarienne sur tous les plans, moral, économique, politique et international. » Le 8 janvier, il a annoncé une augmentation du salaire ­minimum de 50 %, alors que l’inflation frôle les 500 %. En 2016, le PIB a connu une chute de 10 %.

La surprise est venue de la nomination de Tareck El Aissami, 42 ans, à la vice-présidence de la République. Ancien député, ex-ministre de l’intérieur, gouverneur de l’Etat d’Aragua, il est peu enclin à transiger avec ses ennemis politiques. A deux ans de l’élection présidentielle de 2018, sa désignation est stratégique : M. El Aissami pourrait être amené à remplacer M. Maduro, si celui-ci devait démissionner avant la fin de son mandat, comme le souhaite l’opposition.

Le chef de l’Etat a salué « la jeunesse, l’expérience, l’engagement et le courage » de son nouveau second. Fils d’immigrant syrien, M. El Aissami a commencé à militer alors qu’il était étudiant en droit à l’université des Andes, dans l’ouest du Venezuela. C’est là qu’il a fait la connaissance d’Adan Chavez, le frère de l’ancien président Hugo Chavez, qui le repère vite. A 29 ans, le jeune juriste est élu député. Deux ans plus tard, il devient vice-ministre de la sécurité puis de l’intérieur et de la justice. Il y restera quatre ans, un record dans ce gouvernement où les portefeuilles valsent.

Le choix de ce chaviste « radical » contraint les opposants, majoritaires à l’Assemblée nationale, à repenser leur stratégie

Il met en place une réforme de la force publique sur la base d’un rapport des organisations de défense des droits humains. Elle ne suffira pas à freiner la criminalité. Le Venezuela est aujourd’hui un des pays les plus violents au monde. Et l’Etat d’Aragua, le plus dangereux de tous, selon les chiffres de l’Observatoire vénézuélien de la violence (non gouvernemental). Selon l’opposition, M. El Aissami serait sur la sellette de la justice américaine en raison de ses liens avec le trafic de drogue et le Hezbollah.

Le choix de ce chaviste « radical » contraint les opposants, majoritaires à l’Assemblée nationale, à repenser leur stratégie. « Maintenant que la menace d’un référendum révocatoire contre Maduro a été écartée, le gouvernement a intérêt à jouer la carte du dialogue ou du moins à faire semblant. Mais pour l’opposition, la question est difficile », note un diplomate en poste à Caracas. L’aile radicale de l’opposition, très active sur les réseaux sociaux, considère que le dialogue a été une erreur qui a fait le jeu du gouvernement.

« Vaincre ensemble la dictature »

Toutefois, selon un sondage, 60 % des Vénézuéliens sont favorables au dialogue. Il a permis la libération de prisonniers politiques, dont le social-démocrate Manuel Rosales, ex-candidat présidentiel, incarcéré depuis octobre 2015 après six années d’exil. Dès sa nomination, M. El Aissami s’est est pris, sur son compte Twitter, à l’opposition, qualifiée de « droite déplorable, raciste et antipopulaire » et à l’Assemblée « illégitime ».

« Nous devons ensemble, à force de courage, vaincre cette dictature parce qu’il est impossible de penser que quelqu’un puisse le faire seul », a répondu le nouveau président de l’Assemblée, Julio Borges, élu au lendemain de la nomination de M. El Aissami. En appelant l’armée « à faire respecter la Constitution », M. Borges a lancé aux militaires : « Voulez-vous rester dans les mémoires comme les héritiers de Simon Bolivar [le leader de l’indépendance] ou comme les gardes du corps de Nicolas Maduro ? »

Majoritaire à l’Assemblée depuis un an, l’opposition a échoué en 2016 à obtenir l’organisation d’un référendum révocatoire, qui lui aurait permis, en cas de victoire du oui, d’obtenir une présidentielle anticipée. Cette option a perdu de son intérêt, puisque M. Maduro serait désormais remplacé par son vice-président.

L’opposition est sortie très divisée du bras de fer avec le pouvoir. « Nous avons mal évalué la force de notre adversaire », admettait en décembre 2016 son porte-parole, Jesus Torrealba. Lundi, l’Assemblée a voté une motion déclarant que le chef de l’Etat a « abandonné sa charge », considérant qu’il n’assume pas ses responsabilités face à la crise. Une déclaration symbolique loin de faire l’unanimité, car elle pourrait bien faire le jeu de Tareck El Aissami. La Cour suprême a déclaré nulles et non avenues toutes les décisions de l’Assemblée.

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