Gilles Pélisson, Thierry Thuillier et Catherine Nayl, lors d’une conférence de presse le 25 août à Boulogne-Billancourt. | MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Gilles Pélisson a récemment croisé The Rock. L’avenant mais peu médiatique PDG de TF1 s’est ainsi ­retrouvé face à l’ancien catcheur et acteur de films d’action, monumental, bronzé et tatoué. C’était à Las Vegas, au CES, le Salon des technologies. M. Pélisson était accompagné des dirigeants d’un nouveau partenaire de TF1, le réseau de youtubeurs Studio71. La star du catch, elle, était là pour promouvoir sa chaîne sur la plate-forme de vidéo. L’anecdote, racontée par M. Pelisson, vise à montrer que le leader historique de la télévision en France s’aventure sur de nouveaux territoires. Non sans un petit frisson.

TF1 a annoncé, mercredi 12 janvier, un partenariat avec Studio71 : il prend une participation de 6 % à son capital. Soit un investissement d’environ 25 millions d’euros dans une entreprise valorisée à 400 millions d’euros, où il disposera d’un siège d’administrateur. Surtout, TF1 devient l’opérateur de ce réseau en France, où il n’était pas présent. L’accord est international : Studio71 est une filiale du groupe audiovisuel allemand ProSiebenSat1 et s’associe au passage avec Mediaset, le groupe de la famille Berlusconi, qui sera l’opérateur en Italie.

Repérage et soutien

TF1 se rapproche ainsi du quatrième multi channel networks (MCN) du monde, qui revendique 400 millions d’abonnés à ses centaines de chaînes YouTube. Comme tous les MCN, Studio71 agit dans la vidéo en ligne un peu sur le modèle des majors du disque : il fait du repérage de talents sur les plates-formes, les aide à améliorer la distribution de leurs chaînes, soutient parfois leur production avec ses studios, assure la mise en relation avec des marques qui veulent faire de la publicité par le biais de YouTube et gère les droits d’image.

« C’est un métier proche de la télévision, les savoir-faire des chaînes sont utiles », assure Christof Wahl, responsable des activités de ­divertissement en ligne de ProSiebenSat1. Studio71 est née dans le giron du groupe de Munich, dont deux dirigeants ont souhaité, en 2012, mener des expériences de contenus en ligne.

Ayant connu un certain succès en Allemagne, l’entreprise a choisi, en 2015, d’acquérir une société pour se développer aux Etats-Unis et dans le monde : pour 83 millions de dollars (78 millions d’euros), elle a acheté Collective digital studio, un MCN créé par une société hollywoodienne qui a notamment managé les groupes Backstreet Boys ou Linkin Park.

Rattraper le retard

« Il faut que notre ambition dépasse nos frontières géographiques et celles du monde de la télévision », explique M. Pelisson. TF1 pourra s’appuyer sur les talents du MCN français Finder Studio, dont il assurait déjà la régie et qui sera fondu dans Studio71 France, contrôlé par la chaîne. Finder revendique 10 des 90 chaînes YouTube dépassant le million d’abonnés en France. Le réseau dit privilégier la qualité « premium » à la quantité, notamment dans les opérations publicitaires.

Studio71 défend la même ligne. Quel sera l’apport exact de l’entreprise américano-allemande ? Ses chaînes anglophones génèrent déjà 60 millions de vues par mois en France, contre environ 200 millions pour Finder. Et elle a des recettes de production et de publicité susceptibles d’être dupliquées. Enfin, pense TF1, être gros permet de peser dans les négociations avec les plates-formes comme YouTube, Instagram ou Snapchat, qui prélèvent une part des revenus.

TF1 a changé de pied depuis l’époque où il attaquait en justice YouTube. Le groupe a depuis créé des chaînes pour promouvoir ses émissions. Il cherche désormais à rattraper son relatif retard, alors que de nombreux autres groupes audiovisuels ont déjà investi dans les vidéos en ligne : Webedia (Mixicom), M6 (Golden Moustache), ­Canal+ (Studio Bagel), Disney (Maker Studios)… Récemment, TF1 a acheté MinuteBuzz, média spécialiste du contenu de marque sur Facebook et aussi pris la régie publicitaire de la plate-forme de jeux vidéo Twitch.

S’il n’est pas encore tout à fait rentable, Studio71 devrait lui permettre d’augmenter un peu la part numérique de son chiffre d’affaires : environ 100 millions sur 2 milliards d’euros en 2015, soit environ 5 %.