Joey Starr à la fashion week à Paris le 26 fevrier 2013. | Benoit Tessier / Reuters

L’ancien chanteur du groupe NTM est devenu un drôle d’animal médiatique qui promène sa personnalité sans concession de concerts en émissions télé. Calmé mais pas assagi, il vient de réunir ses fulgurances, paroles engagées et autres punchlines dans un livre (Pensées, répliques et autres tac tac, Le Cherche-Midi). Politique, écologie, technologie… L’époque ne laisse évidemment pas indifférent ce vétéran de la scène rap hexagonale au regard critique sur les grandes tendances qui agitent la société.

Quelle époque auriez-vous aimé connaître ?
Le début du XXsiècle, quand on commençait à entrer dans la modernité. Je suis fasciné par les inventions de cette époque : l’électricité, les voitures… Plus généralement, je suis impressionné par le niveau de précision mécanique que peut développer l’homme, notamment en horlogerie, ma passion !

Une image de notre époque ?
Sarkozy, qui s’est fait jeter en l’air et qui, j’espère, va comprendre un jour ou l’autre ce qu’est la justice… Quand tu mets en perspective le cas de Jacqueline Sauvage, dans lequel la remise en liberté a longtemps semblé impossible, et le nombre de casseroles que traîne Sarkozy, qui ose encore se pointer devant nous, on se retrouve devant un vrai questionnement. La justice est aveugle et j’aimerais vraiment qu’elle enlève son bandeau pour regarder les choses en face. Moi qui en ai fait les frais, j’ai pu juger à quel point la justice est hypocrite.

Un son de notre époque ?
Le son de ces voitures qui ont été mise en circulation avant 1997 et qui ne peuvent plus rouler dans Paris depuis l’arrêté préfectoral pris le 1er juillet dernier. Ça m’emmerde personnellement car j’ai des voitures de collection qui sont sous le coup de cette interdiction. Mais surtout cela matérialise une forme de chasse aux pauvres. Je pense aux gens qui n’ont pas de thune et qui ne peuvent changer leur vieille bagnole dont ils ont besoin pour bosser et qui se retrouvent dans une situation impossible. Qu’on arrête de nous parler d’écologie, de les stigmatiser eux alors que, toute la journée, des bus qui roulent au diesel polluent tout autant.

Un livre de notre époque ?
Pensées, répliques et autres tac tac, mon livre. Il dit que la spontanéité devient extrêmement rare. Chacun préfère se couler dans une posture lisse vraiment regrettable.

Un slogan/hashtag de notre époque ?
#doucefrance A prendre au second degré ou au premier selon les jours et l’humeur. En France, on est quand même bien lotis par rapport au reste du monde. Demain, on peut faire le choix de grimper dans l’horreur ou au contraire, dans un sursaut, se tourner vers la solidarité. Je passe mon temps à dire de la merde mais au fond je suis un grand optimiste. Sinon, je n’aurais pas fait d’enfants…

Une expression agaçante de notre époque ?

Le clash. Pour moi, le clash c’était un face-à-face. A l’époque, au café, on se clashait vraiment. Maintenant, il suffit qu’un mec sur les réseaux sociaux balance la moindre vanne et c’est considéré comme un clash, une humiliation à laquelle il faut répondre sous peine de passer pour un con. Un jour, j’ai dit d’un joueur de foot que son geste n’était pas de la rébellion mais de la connerie : direct, on a dit que je l’avais clashé alors que je me contentais d’émettre un commentaire. Aujourd’hui, le moindre avis non consensuel est considéré comme un clash.

Un personnage de notre époque ?
Malheureusement, Donald Trump… Qui l’eut cru ? Il est en train de prendre la mesure de ce qui l’attend. L’enfant gâté, qui a toujours eu ce qu’il voulait, est tombé sur un jouet pas habituel. N’oublions jamais qu’Obama lui laisse le pays dans un bien meilleur état que celui dans lequel il l’a trouvé.

Un bienfait de notre époque ?

Mes enfants ont un rapport avec l’école complètement différent du mien. A l’époque, c’était une garderie ; aujourd’hui, ils ont compris que c’est un outil d’ouverture. D’ailleurs, leur ouverture sur le monde m’impressionne. A mon époque, le monde s’arrêtait au trottoir d’en face. Quand j’allais au Trocadéro, j’avais l’impression de partir sur Mars. A l’âge de 12 ans, je ne connaissais pas le nom d’un seul monument parisien et, quand je volais à la Samaritaine, il fallait qu’on m’y accompagne sinon je n’aurais jamais trouvé le chemin. Aujourd’hui, tu laisses un gamin n’importe où dans Paris et il se débrouille.

Le mal de l’époque ?
La vitesse qui créé une immédiateté qui elle-même engendre une violence de la réaction. Hier, on avait le temps de réfléchir avant de répondre à une question. Aujourd’hui, on est en réaction, on n’a plus le temps de développer une pensée construite.

C’était mieux avant, quand…
… on avait 17 piges ! Tant qu’on n’avait pas de responsabilités, on était trop bien… C’est pour ça que les adultes sont pour la plupart de grands nostalgiques…

Ce sera mieux demain, quand…
A cela, je réponds par un point d’interrogation magistral !