James Mattis, le futur secrétaire américain à la défense, favorable au maintien de la ligne traditionnelle concernant la capitale israélienne, le 12 janvier au Sénat. | MARK WILSON / AFP

De la sérénité à l’inquiétude : le glissement est spectaculaire dans les propos des dirigeants palestiniens. Cela fait des mois que Donald Trump et son entourage évoquent leur intention de déménager l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Ce geste, qui marquerait une rupture historique et pourrait avoir des conséquences sécuritaires imprévisibles, a longtemps paru trop énorme, trop radical, aux yeux de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, et de ses proches. Mais plus l’entrée en fonctions de M. Trump s’approche, et plus leur changement de ton est clair.

Au moment de sa désignation comme ambassadeur en Israël, à la mi-décembre 2016, David Friedman avait manifesté son enthousiasme à l’idée d’œuvrer à la paix « depuis la capitale » Jérusalem. Quelques jours plus tard, lors d’une rencontre avec les correspondants étrangers, le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saeb Erekat, vétéran des négociations avec les Israéliens, s’était montré réservé sur ce dossier. Il avait lâché : « Ils ne le feront pas. » Jeudi, au cours de son audition au Sénat, James Mattis, le futur secrétaire à la défense, s’est aligné sur la ligne traditionnelle des Etats-Unis : Tel-Aviv est la capitale d’Israël.

« Cadeau aux extrémistes »

Mais les Palestiniens ont dû intégrer ce déménagement comme un horizon possible. La presse israélienne bruit de spéculations à ce sujet. L’enjeu est considérable. Il existe un consensus international sur le fait que le statut de Jérusalem ne sera déterminé qu’au cours de négociations bilatérales finales, avant l’émergence d’un Etat palestinien. En déménageant l’ambassade, les Etats-Unis sembleraient valider l’annexion complète de la cité.

Or, la question des lieux saints dans la vieille ville reste explosive. Jérusalem-Est est, aux yeux de l’ONU, une zone occupée. La gestion de l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs), où se trouve la mosquée Al-Aqsa, est confiée à un organisme jordanien, le Waqf. Chaque entrave réelle ou supposée au statu quo régissant l’accès à ce site peut enflammer la rue palestinienne, avec des répliques dans le monde arabe. En Jordanie, le ministre de l’information, Mohamed Al-Momani, a évoqué il y a quelques jours les conséquences « catastrophiques » d’un éventuel déménagement, une « ligne rouge » qui deviendrait un « cadeau aux extrémistes ». Le secrétaire d’Etat sortant, John Kerry, redoute une « explosion absolue » au Moyen-Orient.

De son côté, Mahmoud Abbas a écrit à Donald Trump pour l’alerter au sujet de l’impact « désastreux » d’un déménagement. Il espère aussi le soutien du pape François, qui le recevra au Vatican samedi 14 janvier. Les dirigeants palestiniens brandissent des menaces anciennes, comme le retrait de la reconnaissance d’Israël. Ils appelaient également à protester dans toute la région au cours de la grande prière, vendredi, deux jours avant la conférence de Paris. Mais leur marge de manœuvre est réduite, alors que se profile, pour la première fois, une administration américaine penchant ouvertement du côté israélien, sans chercher à préserver les apparences de la neutralité. D’autant que Mahmoud Abbas veut éviter une explosion populaire, en cette année de 50e anniversaire de l’occupation. L’Autorité palestinienne pourrait être la première victime de ses déflagrations.