Le président du LOSC, Michel Seydoux, le 14 décembre 2016. | FRANCK FIFE / AFP

Une page se tourne au Lille olympique Sporting Club (LOSC). Président de la formation nordiste depuis 2002, actionnaire-majoritaire depuis 2004, Michel Seydoux tirera sa révérence sous les applaudissements de ses supporteurs, vendredi 13 janvier, à l’occasion du match contre Saint-Etienne, au stade Pierre-Mauroy, en ouverture de la 20e journée de Ligue 1.

A 69 ans, le dirigeant assistera à sa 722e et dernière rencontre à la tête des Dogues, mettant ainsi un terme à un règne de quinze ans – un record pour l’institution –, ponctué de trois titres (doublé championnat-Coupe de France en 2011, Coupe Intertoto en 2004).

Quelques heures avant la réception des Verts, Michel Seydoux devait tenir une conférence de presse commune avec le repreneur du club, l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois Gérard Lopez, 45 ans. Ancien propriétaire de l’écurie de formule 1 Lotus, le nouvel homme fort du LOSC est notamment conseillé sur le volet sportif par Luis Campos, proche de l’agent portugais Jorge Mendes, impliqué dans le scandale des Football Leaks.

A l’été 2016, Gérard Lopez figurait parmi les candidats malheureux au rachat de l’Olympique de Marseille, finalement acquis par le milliardaire américain Frank McCourt. Alors qu’un protocole d’accord a été signé le 23 décembre 2016, la vente du club lillois sera effective le 20 janvier.

« A l’aube de ses 70 ans, certes un peu la mort dans l’âme, Michel Seydoux veut continuer de voir le club se développer. Il ne voulait pas galvauder le bazar et il a vendu quand il a trouvé des gens en capacité de prendre le relais, assure Jean-Michel Vandamme, directeur général adjoint du LOSC chargé du sportif, ex-directeur de son centre de formation et ancien joueur (1974-1984) des Dogues. Il voulait davantage un relayeur qu’un repreneur. Mais il est soucieux de voir comment les choses vont évoluer, se développer. Mais il ne s’immiscera pas. »

« Vrai spectacle sportif »

« Fils spirituel » de Michel Seydoux, M. Vandamme brosse le portrait d’un « président de club pas comme les autres », « cultivé, loufoque, drôle, charrieur et charismatique », « un bonhomme qui ne connaissait pas grand-chose au foot à son arrivée ». Président de sa société de production Camera One, administrateur des cinémas Gaumont et membre du conseil de direction de Pathé, le patron du LOSC ne se définit-il pas d’abord comme « un homme de spectacle » ?

Frère de Jérôme Seydoux, président de Pathé et deuxième actionnaire de l’Olympique lyonnais, et grand-oncle de l’actrice Léa Seydoux, le dirigeant nordiste peut s’enorgueillir d’un bilan sportif impressionnant. En témoignent douze saisons passées en Coupe d’Europe et un pic de performances atteint, en 2011, avec ce doublé Coupe de France-championnat décroché par l’entraîneur Rudi Garcia, qui fut limogé en 2009 avant d’être rapidement réintégré.

« Avec Claude Puel (2002-2008), puis Rudi Garcia (2008-2013), Michel Seydoux a su tirer la quintessence du LOSC. Il a modernisé, professionnalisé le club en lui donnant un outil de travail formidable. C’est le président bâtisseur. »

Durant son règne, le dirigeant a notamment été à l’origine de la livraison, en 2007, du domaine de Luchin, quartier général champêtre et centre d’entraînement et de formation du club.

Cinq ans plus tard, il inaugure le grand stade Lille Métropole (50 000 places), rebaptisé en 2013 stade Pierre-Mauroy, après le décès de l’ex-maire (PS) de Lille. Retenu pour accueillir des matchs de l’Euro 2016, symbole des visées européennes du club, le nouvel écrin devait aussi être le terrain d’expression d’une équipe au jeu esthétique. « Parmi leurs multiples sorties, les Lillois ont droit à un vrai spectacle sportif. Je suis issu du monde du cinéma et je tiens à maintenir ce standing. Si les matchs sont agréables à regarder, les clients sont heureux », confiait, en mai 2011 au Monde, Michel Seydoux, « alors en parfaite communion » avec la maire (PS) Martine Aubry sur ce dossier du grand stade.

Les joueurs de Lille le 7 janvier. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

« On a été dépassés par le succès »

Après l’ère Rudi Garcia, le LOSC n’enchaînera plus les exploits sur la scène nationale, à l’exception d’une belle troisième place obtenue en Ligue 1 par l’entraîneur René Girard, à l’issue de la saison 2013-2014. « Le doublé de 2011 est un pic sportif, on gagne avec 50 % de joueurs formés au club et un budget inférieur à ceux de nos concurrents [60 millions d’euros à l’époque]. Mais on n’était pas prêts d’être aussi haut aussi vite, reconnaît Jean-Michel Vandamme. On ne peut pas refuser le succès mais on a été dépassés. Derrière, le plus dur c’est de rester performant»

Ces dernières années, Michel Seydoux ne masquait pas son envie de vendre le LOSC. En septembre 2014, il avait notamment ouvert le capital du club à l’homme d’affaires belge Marc Coucke. Actuellement classée au douzième rang en Ligue 1, la formation lilloise patine cette saison en championnat. En novembre 2016, son président a congédié l’entraîneur Frédéric Antonetti. Un licenciement qui pourrait coûter cher au LOSC, dans la mesure où le technicien corse avait prolongé, deux mois plus tôt, son contrat avec les Dogues jusqu’en 2020.

« C’est un chef d’entreprise artistique, il sait gérer les artistes »
Jean-Michel Vandamme, directeur général adjoint du LOSC

Loué en interne pour sa créativité et « sa capacité à se projeter, anticiper l’avenir », Michel Seydoux avait coutume de rencontrer les salariés du club, chaque mardi, lors de sa promenade, cigare au bec, dans les allées du domaine de Luchin. « C’est un chef d’entreprise artistique, il sait gérer les artistes, insiste Jean-Michel Vandamme avec une pointe d’émotion. Ce n’est pas un dictateur, pas un Aulas [le président de l’OL] ou un Nicollin [son homologue de Montpellier], mais c’est lui qui décide de tout au LOSC. Il paye et commande. On va mesurer ce qu’il a fait quand il ne sera plus là. »

Le DG adjoint du LOSC serait « étonné » que « Michel Seydoux reste dans le milieu du foot ». Le 11 novembre 2016, le sexagénaire avait pourtant été pressenti pour prendre la suite de Raymond Domenech, alors candidat à la présidence de la Ligue de football professionnel. Mais la candidature de l’ex-sélectionneur des Bleus (2004-2010) avait été rejetée, ce jour-là, par l’assemblée générale de la LFP.

Volontiers chambreur, Michel Seydoux a annoncé, le 9 janvier, son départ avec une dose d’humour. « Les supporteurs ne pourront plus dire Seydoux des sous”, ils devront dire Lopez du pèze” », a écrit le dirigeant en partance sur son compte Twitter.