Les manettes détachables, modulables, utilisables séparément, mais aussi ensemble avec ou sans-écran, mais qui ne font pas café, de la Switch. | Nintendo

L’enthousiasme est en partie retombé. Alors que Nintendo avait laissé espérer monts et merveilles à sa conférence de présentation du lancement de la Switch, dans la nuit du 12 au 13 janvier, le constructeur nippon s’est montré moins rassurant que prévu.

Si la date et le prix de la console sont désormais officiels (3 mars dans le monde, 299 dollars, le prix européen n’est pas communiqué), de grosses zones d’inquiétude entourent désormais son catalogue et surtout sa capacité à convaincre le public, sorti du cercle des fans de la marque et des nostalgiques.

  • Un concept alambiqué

Pendant des années, les vendeurs ont dû expliquer aux clients que la Wii U était une console indépendante de la Wii et n’était pas une tablette. La faute à un concept atypique et une communication ratée, la machine n’a jamais été bien comprise. Avec la Switch, Nintendo a réglé une partie du problème en adoptant un tout nouveau nom de gamme.

Mais le concept, lui, reste atypique : une console de salon qui est aussi une console portable, une tablette tactile qui a des boutons, des manettes qui s’attachent et se détachent, se tiennent à une ou deux mains, se jouent à un, à deux, ou à huit, avec ou sans écran… Loin de la simplicité de la Wii, la modularité de la Switch fait autant son originalité que sa complexité, et expliquer ce matin que la manette permet en plus de ressentir le froid d’un glaçon (véridique) n’a pas vraiment simplifié la tâche des vendeurs.

  • Un prix élevé

329 euros en France, selon Micromania, sans jeu : la Switch est d’ores et déjà, à égalité, la console Nintendo la plus chère au lancement, loin de la Wii qui avait cartonné à 249 euros avec un jeu inclus. La firme de Kyoto suit la même pente que la Wii U, positionnée à 299 euros, nue à sa sortie, et qui lui valut les critiques publiques du président d’Ubisoft, Yves Guillemot. Nintendo sait toutefois qu’en sortant en mars la Switch visera dans un premier temps les passionnés, moins sensibles au prix, et que le véritable test sera à Noël.

  • Un catalogue très (trop ?) Nintendo

Zelda, Mario, Splatoon, Mario Kart… Sans grande surprise, le constructeur japonais joue sur ses licences fortes. Une stratégie qui lui assure un certain succès auprès de ses fans, mais qui montre ses limites au moment de convaincre un public plus large. En 2006, la Wii avait réussi un mariage entre univers traditionnels (Zelda au lancement, aussi) et de nouvelles franchises plus grand public (Wii Sport, Wii Play). En jouant la carte des univers Nintendo, la Wii U n’a pas dépassé les 13 millions de ventes mondiales. A voir si Minecraft, FIFA, Skyrim, Sonic, Dragon Quest, Bomberman et Street Fighter II, tous également prévus pour plus tard dans l’année, permettront d’élargir le public de la console.

  • Un catalogue plutôt chiche

A quel point le catalogue de jeux de la console sera-t-il pauvre ou riche ? Impossible de conclure quoi que ce soit sur d’une présentation en janvier, alors que le gros des annonces pour les jeux de Noël se fait traditionnellement en juin, au moment de l’E3, le plus grand salon annuel de jeux vidéo. Mais sur ce que Nintendo a montré et annoncé ce vendredi, la Switch ne se distingue guère de la Wii U, au catalogue insuffisamment fourni dès ses débuts.

Tatsumi Kimishima, le président de la firme, a évoqué 80 jeux en développement, alors qu’ils étaient déjà 140 sur PlayStation 4 au même stade. Nintendo s’est pourtant réorganisé en interne pour pallier ce problème. Mais pour l’instant, de très nombreux titres sont des rééditions de jeux vieux de parfois plusieurs années et disponibles un peu partout ailleurs, comme Minecraft, Rayman Legends, Steep ou Skylanders : Imaginators.

  • Des éditeurs tiers en retrait

C’est peu dire que les majors du jeu vidéo regardent toujours d’un œil étrange les machines Nintendo. A l’exception majeure de Sega et Square Enix, qui y ont souvent trouvé leur public, les éditeurs occidentaux ont du mal avec l’écosystème du constructeur japonais, et cela s’est vu sur Wii U, abandonnée au bout d’un an seulement par la majorité des acteurs.

Preuve de cette défiance persistante, Electronic Arts s’est contenté d’annoncer un portage du jeu FIFA sur Switch, et Bethesda le jeu de rôle Skyrim, déjà vieux de six ans. Pire : le français Ubisoft, l’un des traditionnels soutiens créatifs de Nintendo avec ses licences originales (Just Dance et les Lapins crétins sur Wii, Zombi U sur Wii U, même s’il ne connut pas le succès) n’a annoncé aucun titre inédit. Juste Just Dance 2017, Steep (déjà sorti sur Xbox One et PlayStation 4 à Noël), et Rayman Legends, déjà vieux de quatre ans.

Pour eux, la prudence est de mise, même si un lancement réussi pourrait inverser la situation. En 2006, ils étaient peu nombreux à parier sur le succès de la Wii. Mais la Wii partait avec moins de handicaps.